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Life Is But A Dream
28 décembre 2006

Dream On (séquence 19)

Séquence 19: Bad Day

Chiara avait menti à Marina sur un point: le cours auquel elle devait assister n'était pas obligatoire. Mais d'une part, elle n'aimait pas avoir de blanc dans ses notes. D'autre part, elle tenait absolument à voir Christian pour lui parler de la soirée passée. Elle espérait également qu'il ne raconterait pas son histoire à tout l'amphithéâtre... Chiara pensait s'assumer, mais n'était pas pour autant prête à voir sa vie privée étalée au grand jour. Elle se demandait d'ailleurs ce que cela lui ferait, la première fois où elle lirait des affirmations grotesques écrites sur son compte dans un journal.
Christian la vit arriver et sourit. Un peu mal à l'aise, elle le sonda maladroitement:
- "Salut! Alors... Remis de tes émotions?
- Oh oui, rit-il, je ne m'y attendais pas, mais j'ai eu nouvelle plus traumatisante!"
Chiara le fixa d'un oeil inquisiteur, et suggéra: "On peut aller dehors, deux minutes?"

Ils sortirent et trouvèrent un coin discret pour discuter:
- "Tu dois croire que je suis gay, maintenant? Reprit Chiara.
- Après t'avoir vue partir avec cette fille, c'est dur de....
- Je ne suis pas lesbienne! l'interrompit Chiara avec empressement. Cette fille, c'est pas ce que tu crois... Enfin si, c'est ce que tu crois - elle émit un rire nerveux - mais c'est rien de très sérieux, ça me prend de temps en temps mais en général... Enfin tu vois!
- Donc en fait, tu es bisexuelle? Enfin, s'empressa-t-il de continuer, ça ne me concerne pas après tout...
- Si, si ça te concerne, affirma Chiara avec sérieux. Je t'aime beaucoup tu sais, vraiment beaucoup, et c'est pour ça que je t'ai emmené là-bas, pour que tu saches... ce que je suis.
- Ah... Donc en fait tu me draguais? C'était subtil, je dois dire, j'ai rien vu venir, lâcha Christian d'un ton aigre-doux.
- Je suis vraiment désolée, s'excusa Chiara avec sincérité, cette fille que j'ai rencontrée... C'était complètement inattendu, ça n'aurait pas dû se passer comme ça..."
Christian hocha la tête en esquissant un léger sourire désabusé. Puis il demanda timidement: "Ta copine, Caroline c'est ça? Elle m'a dit que je te plaisais, il y une part de vérité là-dedans?
- Une grande part même, avoua Chiara.
- Mais elle m'a dit aussi que tu ne sortais jamais avec des hommes parce que tu pourchassais une espèce d'idéal dans cet acteur là, Harole je-sais-plus-quoi, et qu'à part lui aucun gars ne trouvait grâce à tes yeux... poursuivit Christian d'une voix triste.
- Elle t'a dit que je voyais Gale Harold comme mon idéal?! s'exclama alors Chiara, estomaquée.
- Euh, à peu près oui...
- J'arrive pas à croire qu'elle t'ait dit un truc pareil! Cet homme... il est juste un acteur pour moi, je l'envisage même pas comme un être humain! Intérieurement, elle se jura de mettre une paire de gifles à Caroline dès que l'occasion se présenterait, furibarde.
- Mais le fait que tu sortes aussi avec des filles montre un certain mal-être par rapport aux hommes, un complexe de supériorité peut-être? Tu ne trouves pas ce que tu recherches chez un homme alors tu te rabats sur les femmes?
- Vous vous prenez tous les deux pour des étudiants en licence de psycho, ou quoi? S'écria Chiara, maintenant hors d'elle. Un complexe de supériorité, et puis quoi encore?! J'aime les garçons pour certaines qualités qu'ils ont et les filles pour d'autres, point barre! Je n'ai pas de prétentions disproportionnées ou des envies de domination! Faut toujours que l'on explique les préférences sexuelles par des raisonnements psychologiques à deux balles, ça me gonfle!
Je me "rabats" pas, comme tu dis, sur les filles parce que je trouve pas de mec qui me convienne, même pas parce qu'ils sont systématiquement décevants, chiants ou simplets,  mais parce qu'elles me plaisent, je veux dire pour ce qu'elles sont! Je sais que c'est dur à encaisser pour des hétéros qui croient durs comme fer qu'une femme a besoin de vivre à travers un homme pour se sentir exister, mais la simple vérité, c'est qu' on n'a pas toutes besoin de vous!"

Elle qui avait voulu rester discrète, c'était réussi: à présent tous les étudiants présents les observaient, choqués ou amusés. Christian de son côté resta coi, ne sachant que dire. Chiara rougit jusqu'aux oreilles en sentant les regards fixés sur elle et les ricanements qui montaient déjà dans son dos ; elle marcha à grands pas vers la porte menant à l'escalier et s'enfuit dans les étages.

Arrivée au rez-de-chaussée, elle s'assit sur une marche d'escalier et songea à ce que venait de lui dire Christian. Pourquoi s'était-elle énervée ainsi? Etait-elle juste furieuse qu'il ait découvert en partie ce qui se tramait en elle? "Non", se dit-elle, "il fait fausse route." Elle n'avait aucun complexe de supériorité par rapport aux hommes, bien au contraire, c'était eux qui la croyaient toujours plus brillante, plus mystérieuse, plus gentille... Tous ceux avec qui elle était sortie l'avaient crue plus, plus, plus! Sauf un: lui, oui Lui, elle ne l'avait jamais déçu. Paradoxalement, c'est lui qui l'avait fait le plus souffrir, celui qui s'en était le plus excusé aussi, et bien sûr celui qu'elle ne pourrait jamais avoir. Ses pensées dérivèrent vers Caroline, et sa colère se ranima. Elle s'imagina comme un Sim fâché contre un autre Sim, qui voit la tête entourée de flammes de celui qui l'a provoqué. Elle ouvrit le clapet de son téléphone et composa le numéro du portable de Caroline ; celle-ci décrocha à la première sonnerie, et Chiara lança sèchement: "Ouais, c'est moi. Ton cours est fini là? Ok, j'arrive." Aussitôt, elle bondit sur ses pieds et courut au sous-sol, où se trouvaient les deux amphithéâtres de Lettres.

Caroline était en train de discuter avec un grand brun à lunettes quand Chiara déboula vers elle et l'empoigna sans mot dire pour l'emmener à l'écart. "Hé, bonjour quand même? Geignit Caroline. Ta soirée s'est bien terminée, tu t'es bien éclatée?

- T'occupes! Qu'est-ce que t'es allée raconter à Christian hier soir?

- Euh je sais plus, à quel propos?

- Fais pas ta conne, je te parle de ce que tu lui as sorti à propos des mecs et de Gale Harold!

- J'ai juste dit la vérité, répondit alors Caroline en lui jetant un regard de défiance. Tu penses qu'à ce type, et pendant ce temps tu traînes ce pauvre Christian dans une boîte lesbienne et emballe une fille sous son nez, il a bien le droit de comprendre ce qui se passe, non?

- Faudra te répéter combien de fois que je m'intéresse pas personnellement à lui! ça te dépasse à ce point-là, qu'on puisse avoir une simple et sincère admiration pour le talent d'une personne, sans penser forcément à se la faire?

- Bien sûr que si! Mais il est clair que tu idéalises ce mec, et c'est malsain. Ca commence par de "l'admiration", et ça finit par un autel à son image... T'es une groupie!"

Chiara ne répondit pas tout de suite, voulant d'abord se calmer pour éviter que la conversation ne tourne à nouveau au drame. Finalement elle reprit posément:

- Je n'ai rien à voir avec une groupie, Caro, et tu le sais. Je ne suis pas à l'affût d'infos sur la vie privée de Gale Harold, je ne rêve pas d'avoir son autographe, je ne rêve pas de lui, je n'imagine pas que je le connais personnellement et qu'on va se marier et avoir beaucoup d'enfants, et je ne peux pas l'idéaliser puisque je ne prétends pas savoir quel genre d'homme il est! je n'ai même pas de poster de lui dans ma chambre, c'est dire jusqu'où va mon groupisme!!

- Tu as sa photo en fonds d'écran, rappela Caroline.

- Et toi Josh Hartnett, tu te considères comme une groupie?

- Tu peux me dire ce que tu veux, toujours est-il est que ce scénario, ou je sais pas quoi que t'écris en ce moment te bouffe complètement, je te reconnais plus!

- Normal, c'est la première fois que tu me vois commencer quelque chose pour le finir, ça doit te changer c'est sûr! S'exclama Chiara, énervée par l'obstination dont faisait preuve Caroline. Jusqu'à présent tu me reprochais de ne pas me donner assez à fonds dans mes projets mais maintenant, j'en fais trop? Décide-toi!

- Oh, j'ai rien à décider, s'énerva Caroline à son tour, après tout si tu veux foutre ta vie en l'air pour une chimère c'est ton affaire...

- Enfin quelque chose de vrai: "C'est mon affaire". Et Christian, lui aussi c'est mon affaire, rien ne t'autorisait à lui raconter ces imbécilités, il me prend pour une folle complexée grâce à toi!

- J'aurais pas dû, je sais!! Mais tu m'as soûlée avec ton avertissement: "pas touche" aussi... admit Caroline.

- Tu veux dire que tu l'as fait pour te venger?!Je t'ai envoyé ce texto en me disant qu'après m'avoir vue partir avec cette fille, tu te serais peut-être crue autorisée à l'allumer! J'ai pris mes précautions, c'est tout! S'expliqua Chiara en illustrant son propos avec les mains.

- Pourquoi as-tu imaginé une chose pareille??! S'exclama Caroline, suffoquée.

- Parce que c'est ce que tu fais!! Rétorqua Chiara avec lassitude. Tu me sermonnes à longueur de temps parce que selon toi je me berce d'illusions, mais toi tu te tapes un mec différent presque chaque soir en t'imaginant que ça remplit ta vie! Je vais te dire, en vrai tu es la personne la plus SEULE que je connaisse!"

Caroline avait encaissé cette salve en silence, et resta muette après que les dernières balles eurent été tirées. Chiara regretta aussitôt la dureté de ses mots mais il était trop tard, et elle vit la souffrance se peindre dans le beau regard bleu et sur le visage de nâcre.  Elle marmonna un "désolé" d'une voix faible mais Caroline secoua la tête et évitant son regard, répondit: "Non c'est moi, tu as raison... Le cours va reprendre, on se voit plus tard, hein..." Chiara ne sut que regarder le dos s'éloigner d'elle à pas lents ; soudain son amie lui parut maigre, et frêle. Et elle, un monstre.

En remontant vers son étage, elle se dit qu'elle tenait là une des journées les plus horribles de sa vie, sinon la pire. Elle avait perdu coup sur coup le premier garçon qui se soit sincèrement intéressée à elle depuis des lustres, et sans doute sa meilleure amie. Elle marmotta pour elle-même: "Je reviens, je vais me pendre...", mais pénétra dans l'amphi alors que le cours avait repris. Elle évita tous les regards, en particulier celui de Christian. Le cours fini, elle rangea ses affaires en quatrième vitesse et quitta la salle la tête baissée, sans dire un mot à personne. Bad day.

Extrait de Particles of truth de Jennifer Elster (J. Elster vs G. Harold)

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