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Life Is But A Dream

29 janvier 2007

Dream On (séquence 25)

Séquence 25: Secrets

"Séquence 30: rupture
Le lendemain de la dispute, David se rend au domicile de Sofia. Il y va avant un cours, la mort dans l'âme, car il y va pour rompre. La scène sera courte: il profite de ce que quelqu'un sort pour entrer dans l'immeuble, se trouve devant sa porte, sonne: Sofia ouvre, sourit avec ravissement, veut l'embrasser, mais il la repousse doucement. Comme il ne peut pas la regarder il lui dit les yeux fixés sur le sol que l'autre nuit était une erreur, qu'il aime sa femme, qu'ils ne doivent plus se voir hors des cours, etc.  Elle secoue la tête, veut lui prendre la main mais il la repousse à nouveau, elle se met à sangloter mais il part quand même sans se retourner, pour s'engouffrer dans l'escalier.

Séquence 31
David traverse le reste de la semaine comme un fantôme. Au cours du mercredi, Sofia ne se montre pas. Il le passe à fixer la chaise vide avec un regard morne. Seul moment de bonheur: le dimanche après-midi avec sa femme et sa fille, au Cirque Grüss qui donne représentation au Bois de Boulogne. Il s'extasie devant les prestations époustouflantes des artistes, et rit aux larmes devant les pitreries des clowns. Sa fille bat des mains avec gaieté devant le match de football perturbé par Syndha, une éléphante qui semble s'amuser au moins autant que les artistes et les spectateurs. David va même relancer l'énorme ballon que l'animal a projeté hors de son terrain de jeu. Il ne peut néanmoins s'empêcher de vérifier la présence d'appel durant l'entracte: rien. Les autres jours passent de la même manière, jusqu'au mercredi. Il est de plus en plus abattu: non seumement rompre n'a rien arrangé, mais il se sent comme s'il était mort.

Séquence 32: retrouvailles
Le cours est déjà commencé. On croit au début que Sofia ne viendra pas car sa chaise est à nouveau vide, mais finalement on frappe doucement à la porte: elle entendre sans mot dire, en regardant David de biais. Le silence s'installe tandis qu'ils échangent un regard bref, puis David reprend son cours.

A la fin, on sent qu'il n'en peut plus. Sofia est sur le point de sortir, toujours en silence, mais il l'appelle par son nom de famille. Elle se retourne, étonnée mais avec un regard de défi. Il attend que tous les élèves sortent. Quand tous ont quitté le couloir, il referme la porte, la regarde intensément puis ferme la porte à clé. Elle n'a pas le temps de réagir qu'il la serre contre lui et l'embrasse. Elle le repousse brutalement, le gifle et le fixe avec des yeux brûlants. Il tente de l'approcher à nouveau mais elle fait mine de se débattre et pivote vers le bureau. Il attrape alors ses deux mains sans cesser de le regarder droit dans les yeux, la bloquant contre le bureau. Elle se laisse aller en soupirant. Ils font l'amour là, sur le bureau.

B.O sur les scènes 31 & 32: My Secret de Jane Birkin

 

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Si tôt après avoir écrit cette dernière phrase, Chiara reçut un coup de fil de Christian.  Il lui proposa d'aller voir un film le soir-même à l'UGC. Elle acquiesça sans hésiter, mais se rappela après avoir raccroché qu'elle avait prévu de sortir en boîte avec Marina... Elle hésita: devait-elle rappeler Christian, ou Marina? Finalement, après un court temps de réflexion, elle décida d'appeler cette dernière, pour annuler leur rendez-vous.

La soirée se passa merveilleusement bien avec Christian. Ils allèrent d'abord manger au Mc Donalds - un endroit où Chiara n'acceptait généralement jamais d'aller - , puis virent Little Miss Sunshine, l'histoire d'une adorable petite fille et de sa famille, qui se mettaient en quatre dans une atmosphère bon enfant pour emmener cette dernière au concours national de Little Miss Sunshine. Ils profitèrent de l'obscurité pour se peloter, ce qui amusa grandement Chiara qui n'avait jamais eu l'occasion de le faire avec un garçon durant son adolescence. Jusque là, elle n'avait ressenti qu'une grande affection et le désir diffus "que ça marche" avec lui. Mais là, le touchant vraiment pour la première fois, elle sentit un vif désir la prendre au ventre et descendre jusque ses orteilles. A un moment elle guida sa main vers son entrejambe: il sourit et explora l'endroit avec douceur. Le film était bien mais dieu qu'il était long...

Le film fini, Christian proposa de ramener Chiara chez elle. Mais celle-ci s'approcha de façon à avoir son visage tout près du sien, et murmura tout en caressant les pans de sa veste en cuir: "On pourrait aller chez toi... si tu veux!

- T'es pas obligée, tu sais..."

Elle éclata de rire, et répliqua:

- J'ai 23 ans, j'ai passé l'âge de me sentir "obligée"... alors?"

Sur le pas de la porte, Christian suggéra qu'ils ne fassent pas de bruit pour ne pas réveiller ses colocataires et les amis qui dormaient pour l'un sur le canapé, et l'autre sur un matelas par terre. Ils avancèrent donc à tâtons sur le parquet en faisant attention de ne pas marcher sur un pied, et se faufilèrent dans la chambre de Christian. Dans le salon, une voix provenant du canapé demanda:

- Hé Dan, tu dors?

- Je dormais, connard...

- On dirait que le petit va conclure... pas trop tôt!

- C'est toujours plus tôt qu'toi...

- J't'emmerde, connard..."

Le lendemain matin - ou plutôt en fin de matinée - elle se réveilla plus tôt que Christian. Il dormait sur le côté, ne ronflait pas, Dieu merci, et pour la première fois elle le trouva beau. Chiara l'avait toujours trouvé mignon, mais n'avait jamais pensé qu'il était beau. Mais maintenant qu'elle le regardait plongé dans ses rêves, elle réalisa avec tendresse qu'il était vraiment beau. Elle oublia, bien entendu, que chaque homme qui croisait sa route lui faisait le même effet: cela signifiait qu'elle s'attachait. Elle se glissa sans bruit hors du lit, et son téléphone à la main, passa la tête hors de la chambre pour vérifier s'il y avait ou non du monde dans le salon: personne en vue ni à ouïr. Elle s'assit sur le canapé occupé quelques heures avant par l'invité mystère numéro un, et réfléchit à sa nuit, et aux heures passées avec Marina.

Une partie d'elle voulait l'appeler tout de suite et lui dire qu'elles ne devaient plus se revoir, puis retourner se peletonner contre Christian, mais l'autre voulait reprendre ses affaires dans la chambre, s'habiller discrètement et partir en douce pour aller la rejoindre. Jamais de sa vie, elle ne s'était sentie aussi brutalement divisée ; cela lui semblait d'autant plus étrange qu'elle ne pensait pas être amoureuse de Marina. Mais de la façon la plus étrange qu'il soit, elle avait besoin d'elle. Pourtant, Chiara savait qu'elle devait faire un choix, et le faire tout de suite: elle avait vécu durant deux ans une double vie pour satisfaire les exigences d'un homme marié qui avait finalement quitté et sa femme, et elle ; elle ne voulait plus avoir à le faire, jamais. Tout en pensant elle jetait des coups d'oeil furtifs à la porte de la chambre de Christian: elle aurait presque pu l'entendre respirer dans son sommeil, tant le silence autour d'elle était épais et pesant. Sur l'écran de son téléphone, apparaissait toujours le prénom: Marina. Elle savait ce qu'elle devait faire, mais savait aussi qu'elle ne voulait pas le faire. Mais elle n'était pas David. Elle n'aurait pas de secrets.  Finalement, elle prit sa décision: son pouce toucha la touche "appeler" ; une tonalité se fit entendre, puis la voix de Marina: "Allô?

- ... Chiara ne put d'abord souffler un mot.

- Allô, Chiara?

- Oui, c'est moi, salut... Je t'appelle pour te dire qu'on ne peut plus se voir... J'ai une personne dans ma vie, je t'en ai pas parlé avant parce que c'était pas encore très sérieux, mais... ça l'est maintenant.

- ...

- Tu es là? Demanda-t-elle d'une voix plaintive.

- Et donc tu me plaques au téléphone, comme ça... c'est drôle, je me doutais que ça arriverait vite, mais je pensais pas que tu le ferais au téléphone...

- Je te plaque pas, corrigea Chiara, on n'a jamais été "ensemble" autant que je sache, poursuivit-elle d'une voix malencontreusement sèche.

- Va te faire foutre..."

Marina lui raccrocha au nez. "C'est déjà fait...", répondit Chiara en pensée. Ce fut comme si on avait desserré une visse de son coeur: elle gambada jusqu'à la chambre de Christian qui venait de se réveiller et regardait autour de lui, perplexe de ne pas la voir, mais sourit quand elle sauta sur le lit pour l'embrasser. Il s'enquit d'un air faussement fâché: "Hé, je me suis réveillé et t'étais pas là! Quoi que tu faisais?

- Je téléphonais à ma mère, mentit-elle avec aplomb. Je découche rarement sans la prévenir avant, du coup elle s'inquiétait."

Christian accepta l'explication avec bonhommie. Dès le début de sa relation avec Marina, Chiara avait simplement songé que tant qu'il ignorait qu'elles s'étaient revues après la nuit au Pulp, tout irait bien. Pour ne pas lui laisser le temps de discuter, elle lui coupa la parole avec un baiser et ôta le t-shirt qu'elle lui avait volé pour dormir.


Séquence 26: Réveillon

Le réveillon du Nouvel An se déroula finalement chez Laurent, sans son consentement exprès naturellement. Chiara s'y rendit accompagnée de Christian, toute fière d'avoir un petit ami à lui présenter. Laurent les accueillit avec un sourire narquois à l'attention de Chiara. Tout le monde était là: Caroline, le gars avec qui elle sortait depuis deux semaines - un exploit - , Fathia... Même Marion se joignit à eux, avec l'envie de changer d'air et d'idées après avoir rompu avec son copain. Une dizaine d'invités, dont leur ami David, qui avait été autrefois le bourreau du coeur de Chiara, se tassaient dans le cagibi qui servait de studio à Laurent. Déjà tous aux trois quart soûls et s'ennuyant, ils décidèrent d'allumer la télévision: une chanteuse que personne ne connaissait se trémoussait sur ce qui pouvait s'identifier comme un vieux tube oublié des années quatre-vingt. Une horreur audiovisuelle, songea Chiara. Ce qui était curieux, c'est que la chanteuse semblait s'amuser. Mais plus étrange encore, le public lui semblait s'éclater! Un invité dont Chiara n'avait pas retenu le nom s'exclama: "Ils ont pas autre chose à glander un soir de réveillon, ces gens?

- Tu peux pas comprendre, c'est la nostalgie! C'était mieux avant... Avant, y'avait Indochine et Emile & Image, avant y'avait le sida que pour les pédés, avant on pouvait fumer dans les lieux publics, avant... Répliqua Sandrine, une fille que Chiara avait rencontrée au cours d'une soirée organisée par David. Celle-ci l'interrompit:

- Et surtout, avant ils étaient jeunes et beaux alors que maintenant ils sont vieux et ringards, donc ils se reconnaissent! Sans déconner, moi aussi ça me surprend qu'on s'éclate sur cette merde mais c'est leur droit après tout. Puisqu'on sait que c'est nul on peut éteindre, maintenant?

- Bonne idée, renchérit David, si on mettait Kajagoogoo?"

Kajagoogoo était un de ces groupes heureusement disparus issus des années quatre-vingts, que David aimait bien ressortir dans la conversation, entre Roxy Music et Talking Heads.

- "Y'a pas ton Kajacrocrotte ici, l'envoya promener Laurent avec un ricanement méprisant. Et je veux regarder ça, c'est trop bon: c'est présenté par Arthur!

- Arthuuuuuur! répéta une autre connaissance lointaine de Chiara, Paul. Chouette, c'est Obispo maintenant! Il va reprendre quoi?!

- Quelle bande de boulets... "maugréa Chiara.

Marion renchérit d'un signe de tête. La pauvre, songea Chiara, elle qui était venue pour passer du bon temps, elle allait devoir se farcir ces abrutis et l'émission Arthur...

"- J'ai trouvé une bonne résolution à prendre pour l'année qui vient! Clama-t-elle à voix haute, de manière à ce que tout le monde l'entende. Jeter ma télé.

- Oh, très bonne idée! Acquiesça Sandrine, qui reporta ensuite son attention sur Pascal Obispo qui chantait "On va s'aimer" à tue-tête.

- Ouais, je vais jeter ma télé. Et je vais donner l'exemple en jetant... Celle-là! S'exclama-t-elle en montrant le poste de Laurent. Celui-ci crut qu'elle plaisant et réagit mollement:

- C'est cela même Claudette!"

Christian, lui, la regarda avec un petit sourire interrogateur: "Tu vas vraiment le faire?

- Tu m'en crois capable?

- Je crois que t'es capable de tout!" Admit le jeune homme.

Chiara se mit à rire, puis arracha le câble du téléviseur de sa prise. Laurent et les autres protestèrent, mais Chiara fit un clin d'oeil à Christian et lui demanda: "Tu m'aides, bébé?"

Christian ne répondit pas mais empoignit le téléviseur d'un côté tandis que Chiara tenait l'autre ;avant que Laurent ne puisse les arrêter, ils jetèrent le poste par la fenêtre restée grande ouverte pour laisser échapper la fumée des cigarettes. Ils entendirent un bruit de chute, puis un grand cri. Chiara et Christian se précipitèrent par la fenêtre pour voir qui poussaient ses cris: une petite grand-mère armée d'un colley nain pointait un regard furieux vers la fenêtre ; lorsqu'elle les vit, elle s'écria:  "Ca va pas non?! Vous auriez pu assassiner mon chien!

- Ben il a rien votre chien! S'exclama Christian en haussant les épaules. Et puis, ça n'aurait pas été un assassinat mais un homicide involontaire! Christian, licence de droit, enchanté Madame!

- Petits cons!"

Après cette parole de sagesse, la vieille dame poursuivit la promenade de son chien. David s'écroula de rire sur une chaise et fut rapidement imité par tous les invités. Caroline glissa un cd au hasard dans la chaîne hi-fi: c'était Dancing in the streets chantée par David Bowie et Mick Jagger, qui fut salué par des cris de joie. Seul Laurent, hors de lui, s'en prit à Chiara: "Putain, je t'ai demandé quelque chose? Tu vas me la payer ma télé maintenant qu'elle est sur le trottoir!

- Ben si elle est sur le trottoir elle te rapportera peut-être du fric... ricana Chiara entre deux pouffés de joint que Caroline venait de lui passer.

- Très spirituel, et qui vous a dit que vous pouviez taper dans ma réserve?! Tu me fais un chèque et maintenant. Laurent tapa sur la table dans l'espoir de paraître viril.

- Oh ça va, se moqua Chiara, tu devrais me remercier d'avoir bousillé ta télé pourrie, elle devait bien avoir cent ans...

- Au moins, renchérit Marion avec gaieté, je suis même étonnée qu'elle soit - pardon, qu'elle ait été, paix à son âme - en couleurs.

- C'est pas une raison! Persista Laurent d'un ton boudeur. J'y étais attaché à cette télé, j'ai découvert mes premiers films de John Woo là-dessus, et pleins d'autres!

- C'est devant elle aussi que tu t'es branlé pour la première fois je parie! Lança Paul.

- Ouais, aussi!

- C'était devant Rocco ou la blonde au gros cul qu'il se tapait?

- Les deux, mon général!!"

Ils portèrent tous un toast à feu le téléviseur de Laurent. Soudain, on frappa à la porte. Laurent enjamba les cadavres de bouteilles et de cannettes pour atteindre la porte, et l'ouvrit: son meilleur ami Florian pénétra avec un sac plein de ce que Chiara pensa d'abord être d'autres bouteilles. Mais quand Laurent lui demanda pourquoi il arrivait aussi tard, il expliqua:

"- Tu te souviens de mon pote Loïc, l'artificier?

- Euh ouais, comme ça...

- Ben on s'est bourrés la gueule tout à l'heure dans sa boutique, et avant de partir il m'a filé tout un tas de fusées... Tu vois où je veux en venir? conclut-il, excité comme une puce.

- Ben l'autre excité de Sarkozy là, il veut même pas de feu d'artifice à la Tour Eiffel, alors oublie...

- T'en fais pas! Insista Florian. Les flics vont juste faire gaffe aux Blacks et aux Beurs, or on n'est qu'un beau groupe de blancs non? Personne va nous contrôler!

- Euh tu m'excuseras, mais je fais partie de la race des "beurs", si je puis dire, intervint Fathia.

- Oh, pardon. Je voulais pas paraître offensant en disant ça. Tout ce que je disais, c'est que personne n'ira nous surveiller en principe. T'as dû remarquer toi-même que les flics demandaient plus souvent leurs papiers aux bandes de maghrébins qu'aux supporters bien blancs du PSG réputés pour leur civisme, non?

- C'est ce qu'on dit à la télé en tout cas! rit Fathia, qui habitait dans un quartier bourgeois. Donc tu comptes profiter de ta jolie couleur blanche pour foutre la merde un soir de réveillon, si je comprends bien?

- Mais pas du tout! Protesta Florian en jetant son sac de fusées. Je veux juste donner le feu d'artifice que Paris mérite, je suis pas une racaille...

- Je vois, les racailles c'est juste les nègres et les bougnouls, c'est bien ça? Railla Fathia.

- Hé, IL l'a dit, pas moi! J'emploierais jamais ces mots-là."

Comme Fathia éclatait de rire, il se détendit: "Tu te fous de moi, pas vrai?

- Oui... Vous les Blancs, vous êtes tellement drôles quand vous vous défendez d'être racistes...

- Je suis pas raciste! se défendit Florian.

- Qu'est-ce que je disais! J'ai bien compris va, te fatigue pas."

Elle lui tapa le bras amicalement, puis déclara qu'elle devait aller aux toilettes. Florian la suivit des yeux avec un petit sourire aux lèvres, puis demanda à Laurent: "Tu la connais d'où?

- C'est une copine de Chiara... répondit-il en montrant cette dernière d'un signe de tête. Elle m'a bousillé ma tévé!

- Qui ça, sa copine?! Comment elle s'appelle déjà?

- Non pas Fathia, CHIARA a jeté ma télé par la fenêtre!" Gémit Laurent avec impatience.

Florian secoua la tête en avouant qu'il ne comprenait pas grand chose, mais rappela qu'il serait bientôt minuit et que s'ils voulaient envoyer leurs fusées à temps, il était largement temps de partir. Caroline s'enquit avec inquiétude: "Mais euh, tu sais les faire marcher ces trucs, toi?

- Non mais c'est pas dur, t'allumes et ça décolle, basta!

- Mais on va faire ça où, y'aura plein de monde sur le champ de Mars!

- Bah on trouvera bien un coin d'herbe peinard où installer le machin. T'inquiète jolie blonde, tout ira comme sur des roulettes!

- M'appelle pas "jolie blonde"! Et je vous préviens tous: si vous vous faites choper, je m'enfuis et je vous connais plus jamais de ma vie.

- On reconnaît les amis..." Railla Chiara.

Et ils partirent. Ils prirent le métro jusqu'à Charles de Gaulle Etoile, où ils changèrent pour prendre la ligne six jusqu'à la station Bir-Hakeim. Une foultitude de gens étaient entassés sur le Champ de Mars, à attendre que minuit sonne. Toute cette foule interpella Chiara: elle se demanda s'ils étaient là parce qu'ils ignoraient l'interdiction relatives aux feux d'artifices, ou s'ils venaient là simplement par habitude. Toujours était-il qu'ils devaient être des milliers. Elle ne se sentait pas le moins du monde inquiète au sujet de la petite surpise que leur préparait Florian, sans doute en partie parce que son taux d'alcoolémie avait dépassé son imagination la plus folle. Ils durent chercher longtemps mais ils finirent par trouver un coin tranquille, caché par de grands arbres, loin de la foule. Néanmoins Florian recommanda à Sandrine et un type dont Chiara avait oublié le nom de surveiller les parages, au cas où un policier aurait eu envie de leur signaler que la pelouse était interdite aux piétons... Laurent et son ami étaient fous, comme s'ils s'apprêtaient à faire exploser une bombe devant le ministère de l'Intérieur. La main de Florian était crispée sur un briquet tout neuf, visiblement acheté exprès pour l'occasion, attendant l'heure H. De la sueur dégoulinait de son front: "Non mais regarde-le, murmura Chiara à l'oreille de Christian, on dirait un Irakien qui s'apprête à faire sauter un tank américain en plein Bagdad...". Christian sourit et en profita pour l'embrasser dans le cou ; Chiara le regarda avec un sourire étonné: "C'est au cas où je mourrais à cause d'une balle perdue tirée au cours d'une bavure policière... Je veux juste que tu saches que je t'adore.

- T'es con... " Répliqua Chiara avec un amusement attendri.

Florian regarda sa montre, et annonça qu'ils pourraient parer la mise à feu dans deux minutes, pas une de plus. Laurent s'enquit alors: "Hé attends, qu'est-ce qui te dit que ta montre est à l'heure?

- Ben il est quelle heure chez toi?

- Deux minutes de plus que chez toi, si t'es pas à l'heure on va le lancer trop tôt, de quoi on aura l'air?

- Je suis sûre qu'elle est à l'heure p'tit con, je la règle sur mon réveil qui se règle tout seul sur le fuseau de j'sais plus quoi là..."

Ils se disputèrent. Fathia demanda d'un air effaré: "Ils sont toujours aussi cons, ou...?

- Seulement quand ils sont bourrés, et là ils sont archi bourrés." la rassura Chiara avec assurance. Puis elle se leva et s'adressa aux artificiers d'un soir: "L'heure exacte est indiquée en gros et en chiffres lumineux sur la Tour Eiffel, crétins!"

Ils se tournèrent immédiatement vers le monument: minuit moins une! S'exclama Laurent, qui chaparda le briquet pour allumer la première fusée. Le bras de Florian voulut stopper son geste, mais trop tard: la mèche s'enflamma. "Tu l'as fait trop tôt, trop tôt!!", geignit-il. Laurent alluma ensuite la deuxième, puis une troisième, etc., tout en se défendant: "Les mèches sont hyper longues, elles vont péter juste à temps, tu verras!". Alors que Florian et Laurent étaient à nouveau à se disputer, la première fusée explosa, juste au moment où l'horloge de la Tour affichait: "00:00". Fathia alla tirer Florian par le bras en criant: "Si vous restez là à vous engueuler on va tous se faire piquer par les flics, ils seront là dans deux secondes!!".

Un peu plus loin sur un trottoir, deux gendarmes assistèrent à la scène, et virent Chiara et ses amis courir comme des dératés jusqu'au Champ de Mars. Comme le sergent ne bougeait pas, le gendarme débutant qui l'accompagnait lui signala: "Hé chef, on dirait bien que les jeunes qui viennent de courir sont responsables des feux d'artifices illicites qui viennent d'éclater.

- Peut-être. Et alors? Le sergent haussa les épaules. Pour la énième fois, 'm'appelle pas "chef", mais "sergent"!

- Hé bien sergent, on nous a ordonné d'arrêter et de faire écrouer toute personne qui ferait exploser des pétards ou des fusées ce soir car portant atteinte à l'ordre public, donc...

- T'as lu ta circulaire? L'interrompit brutalement le sergent.

- Euh oui...

- Elle parlait de pétards. Où t'as vu parlé de fusées??

- Je crois qu'elle en parlait, et de toute façon il semblerait logique de...

- Moi je te dis qu'elle n'en parlait pas!! Aboya alors le sergent. Apprends à lire les circulaires, ensuite on verra qui donne les ordres ici. Rèle n°1: obéir aux ordres. Rèle n°2: ne jamais faire de zèle! Ajouta-t-il en empoignant sa ceinture d'un air décidé.

- C'est pas ce qu'on m'a dit durant ma formation... bégaya le pauvre débutant.

- Ecoute le bleu. Le sergent le fixa droit dans les yeux. Ca m'fait déjà chier d'être là un réveillon de Nouvel An parce que j'ai pas la chance d'avoir une connasse de femme et des saletés de chiards. Ca me fait encore plus chier d'être avec TOI, qui parle comme un bouquin. Si l'autre qui doit déguster en ce moment-même du champagne à 1000€ la bouteille veut attraper les pauvres types qui balancent des pétards un soir de réveillon, il a qu'à le faire lui-même!! Toi maintenant, tu fermes ta gueule et tu fais ce que je dis, c'est comme ça qu'on apprend. Compris?

- Oui chef... Euh, sergent." Capitula le petit débutant, l'air penaud.

Toute la bande fila à toute vitesse vers le Champ de Mars pour se mêler à la foule. Là, toutes les têtes s'étaient tournées vers les lumières des feux d'artifices ; il y avait du vert, du rose, de l'écarlate. Le dernier, magnifique, semblait étendre des tentacules mauves jusqu'à l'infini. Tout autour de leur petite bande, les spectateurs demandaient: "Mais d'où ça vient, je croyais que c'était interdit?", ou s'exclamaient en montrant les jets de couleurs à leurs enfants: "Regardez ce que c'est beau...". Laurent et Florian, admiraient leur oeuvre avec fierté: "Putain mon pote, on l'a fait!", puis Florian, dans un excès d'amour fraternel, serra son ami dans ses bras: "Viens là mon Laurent, je t'aiiiiime, tu sais!". Fathia coula un regard moqueur vers Chiara, qui haussa les épaules. Elle était amusée, car elle avait tout de suite senti une attirance entre elle et Florian. Puis vint l'heure des baisers de nouvel an: elle se retrouva à faire la bise à une bonne dizaine d'inconnus et à caresser la tête d'enfants qui auraient aussi bien pu être pleines de poux. Ce soir, elle s'en fichait. Elle était avec ses amis, son homme, ils avaient illuminé le Champ de Mars à eux tout seuls et une nouvelle année commençait. 2007.


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9 janvier 2007

Dream On (séquence 24)

Séquence 24:

Chiara resta dormir chez Caroline ce jour-là. Elles gloussèrent  durant les opérations sanglantes et les aventures abracadabrantesques des deux chirurgiens de la série Nip/Tuck ; elles eurent quinze ans à nouveau.

Le lendemain, elle appela Marina. Celle-ci avoua en riant qu'elle était persuadée de ne jamais plus avoir de nouvelles
d'elle, car elle ne l'aurait pas rappelée elle-même. Chiara déclara qu'elle avait envie de prendre un café avec elle, "pour
discuter" ; pressée, elle proposa de se voir l'après-midi même. Elle voulait lui parler de Christian, de l'éventualité d'une vraie relation avec lui qui impliquerait automatiquement la fin de la leur, mais ne put s'y résoudre de l'après-midi. D'abord elles se promenèrent bras dessus bras dessous dans le quartier, s'arrêtant ponctuellement dans des cafés pour siroter un chocolat ou une bière, puis attérirent chez Marina où elles firent l'amour pour la deuxième fois. Elles se rendirent compte qu'elles avaient de nombreux goûts en commun: leur amour de la musique (elles se disputèrent même pour savoir si Arcade Fire étaient l'arnaque du nouveau siècle ou les petits génies du millénaire), les styles qu'elles appréciaient en littérature, elles aimaient les mêmes réalisateurs... Ce fut le coeur gros que Chiara revint dans sa banlieue. A peine rentrée, elle écrivit une longue scène où David et Sofia marchaient main dans la main dans l'intimité de Paris, heureux, ne se souciant de rien ni de personne, pour quelques heures. Et pour la première fois, Chiara ne la trouva même pas niaise. Elle décida que cette scène-là serait accompagnée de la reprise faite par Damills de la plus belle chanson que David Bowie ait écrite: 'Heroes'.

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Le lendemain, à nouveau sur terre, elle repassa dans sa tête la conversation qu'elle avait eue avec Laurent au sujet des "drames psychologiques". Il fallait de profondes interrogations, de la réflexion intérieure, et des drames, des drames, des drames...

Sequence 29: démons intérieurs

David a invité à dîner un de ses meilleurs amis depuis quinze ans, Franck, un noir-américain qui est venu vivre à Paris sept ans avant avec sa femme pour y travailler temporairement, et n'en est plus jamais parti. Ils ne se rencontrent que pour se confier leurs problèmes personnels. En fait, ils ne se sont pas revus depuis un an et demi, presque jour pour jour. Ils s'embrassent, puis se font placer à table par le garçon. Ils attaquent les hors-d'oeuvre en discutant de tout et de rien, puis Franck l'incite à commencer, mais David fait l'innocent. Franck se met alors à rire et rappelle: "C'mon, we only call each other for confessions, don't tell me it's different this time!

- Well, how to start... Répondit finalement David. With a song maybe: "Oops, I did it again"?

- No, everything but that!

- You mean everything but Britney, or everything but what I'm about to say?

- I think both! Please don't tell me it's another student?

- Sorry. David haussa les épaules d'un air confus.

- So, you're cheating at Kim again, and you call old buddy Franck to confess what you can't say to her, that's right?"

David ne sait que dire, et replonge dans son assiette en rougissant. Franck repart alors d'un grand rire: "It's alright for me David, I guess that somewhere I'm here for that. And you too! I was more than happy to have you when I had my little professional problems.

- Yeah, when you were jobless for four months and didn't have the balls to tell Kathy?

- I would have had them if she weren't used to a so high lifestyle! Ils se remirent à rire. And she never learnt about all this, you know!

- You lucky bastard, 'didn't have that chance. David se rassombrit.

- By the way, how is it going with Kim? Does she have any idea of... What's happening?

- I don't know... I feel that she's still suspicious since... Last time. But does she guess anything? I really don't know. I'm not a very good at figuring what's going on in women's head.

- Well it seems we can't blame her for being suspicious, lui reproche Franck.

- It's not entirely my fault! Proteste David. I tried everything to make her forget: moving to France, spending more time with her, I try to be romantic... But she still keeps her distance, as if I were some stranger... yesterday I spent the most lovely day with Sofia, she's smart, sweet and she cares for me... Her presence is a breathe for me!

- This is a quite vicious circle, you blame Kim for not trusting you but you don't make anything for her to do so...

- Yes, I know. But I don't want to stop that now Franck, this girl does me good.

- You mean like the first one... what was her name already, Karen? She was really good to you as far as I remember, especially at the end, when she denounced you at the direction for sexual harassment.

- That was Kelly, and she was a nutcase! Proof is that she killed herself cutting her own throat... It's not the same story, Sofia is very different! S'exclame David, qui repousse ensuite son assiette en affirmant qu'il n'avait plus faim.

- Yeah sure maybe she'll blackmail you at the end of the month, what do you know?! Anyway you're not the kind of guy who cheats his wife, very soon you'll feel guilty and unable to chose between any of the two. Besides, if Kim learns about this affair, you can be sure she won't give you a third chance.

- I'm not even sure I had a second one, really... I even wonder why she stays with me, it's been more than a year now but she's not willing to forgive me.

- Have you ever tried to discuss it with her?

- Of course! Thousands times, but she always closes herself like a mussel.  David fit un geste d'impuissance.

- Well, I know you called me because you need someone to outpour on, but if I can give you one single advice: break off right now, before it's getting too serious with this girl. Some guys can cope with infidelity, they can have two or three mistresses without any hurt for them. But you David, you can't. You must keep what you have now, not mess it up.

- Yes, you're right... I will stop that... Next time I see her.

- I know it's tough for you to live through this, but you really ought to try talking with Kim and fix things up...

- Yeah..."

 

Sequence 29: ???

David rentre ce jour-là avant que Kathia ne soit rentrée de l'école. Comme il raconte à Kim qu'il a déjeuner avec son vieil ami de l'université, elle remarque: "Ah yeah, how is he?

- He's fine. 'Told me that Kathy had three activities per week, she goes for that in sort of housewives clubs... Busy woman.

- Good for her! Railla Kim, plongée dans l'étude d'un livre d'apprentissage au français. I bet you mentioned the Kelly case?

- Yes, among others... why do you say "I bet"?

- Well he was very supportive toward you when you were fired and everything.

- Which can't be said about everyone.... réplique-t-il alors avec une certaine aigreur."
Elle lève enfin les yeux de son manuel:

- "What, you think I could have been more supportive?

- Let's say that living in the middle of the night with our daughter and disappearing for days , did not make it easier...

- Can't believe we're having this conversation..."

Cette fois elle pose son stylo et se redresse sur sa chaise pour le regarder bien en face. Elle reprend:

- Well first I received a call telling me my husband for seven years was accused for sexual harassment by one of his students, then you confess me that you actually had a six months affair with girl, and to finish I find the girl in question lying in her own blood. Even you must admit that I had good reasons to lose my senses for a while!

- Maybe I could admit that if you would admit that you thought I had actually killed her myself at a time!

- Bullshit! S'écrie-t-elle, ce qui est d'autant choquant qu'elle n'a ni l'air, ni l'habitude de jurer. It never crossed my mind, it was just too much... And I came back finally, so what's the point in getting all this back on the table?"

Alors qu'elle reste assise, lui pose les deux mains sur la table et se penche vers elle, la fixant d'un regard intense, et demande:

- Did you really come back, Kim? Since you're "back", I feel like I lived with some ghost and a child, not with a family I used to have! How long will you make me wear the mask of guilt, Kim? What gods of yours do I have to praise for forgiveness, when do you expect to communicate with me again, make love with me not because you feel obliged but because you want to? when will you be my WIFE again, for Christ's sake?!

- I don't know!!" Hurle-t-elle en se levant enfin de sa chaise.

Elle recule de quelques pas, rabat une mèche en arrière. Elle tremble de tout son corps. Elle reprend: "I try and I try to forget all I've learnt, all I've seen, these images of you and her, of her died and all this blood... I want to forgive you, 'cause I love you so much in spite of what you think, but I just CAN'T... I want our family back too but just when I'm ready to get away with it I close my eyes and I see her... I can't help but relating these images of her died to you... And I'd like to say I'm sorry but I just don't feel like the one who should be sorry here... Am I wrong, David...?".

De fines larmes coulent des yeux quand elle prononce ses mots. David reste silencieux, s'écroule sur une chaise. Finalement, il parvient à articuler:

"- I'll get Kathia at school, it's time.

- The bus will...

- I'll get her."

Il sort de l'appartement."

8 janvier 2007

Dream On (séquence 21)

Séquence 21: Complot

"Séquence 28: plus tard dans la soirée

David ne peut évidemment pas passer le reste de la nuit avec Sofia. Elle se montre compréhensive, mais comme il s'habille sans mot dire, elle se rapproche de lui pour l'enserrer, et lui demande: "Tu ne regrettes rien, dis?". Il tourne son regard vers elle, lui sourit et promet: "Je ne regretterai jamais". Il embrasse la paume de sa main. Elle l'interroge alors:

"On pourra se revoir?

- On se reverra mercredi, plaisante-t-il

- Idiot! Tu sais très bien de quoi je parle. Elle lui donne un coup affectueux dans la hanche.

- Tu voudrais...? Il la regarde sérieusement.
Tu connais ma situation...

- Tant pis."

Il la regarde avec affection, puis attire son visage vers le sien et l'embrasse. "

Chiara téléphona à Laurent le lendemain, lui ayant envoyé la veille la suite de son manuscrit pour qu'il le lise.

"Hé Chiara! Dit-il immédiatement après avoir décroché. J'ai lu la suite de ton scénar, t'as pas mal avancé, c'est bien!

- Tu penses déjà pouvoir faire quelque chose avec ça? s'enquit-elle.

- Je pourrais oui, mais ça passera après tout le reste, tu le sais.

- Oui, admit Chiara en étouffant un soupir. J'aurais aussi un autre service à te demander... T'es toujours en charge de la soirée d'inauguration du festival du film indépendant?

- Oui...?

- Hé bien, Gale Harold a joué dans plusieurs films indépendants: Wake, Particles of truth, le dernier c'est The Unseen...

- Certes, mais je ne vois pas où tu veux en venir.

- Hé bien, tu pourrais l'inviter!

- Moi?! Mais je suis pas chargé des invitations! S'exclama Laurent, surpris.

- Tu m'as dit que tu étais chargé de gérer les invitations... sussura Chiara.

- Oui, enfin non, pas vraiment, se défendit Laurent un peu embêté. Je dois m'assurer que toutes les invitations ont été expédiées, que tous les invités figureront sur la liste le jour J, qu'il y aura assez à bouffer et à boire pour tout le monde, des trucs comme ça! Mais je décide pas de qui on doit inviter, je suis pas encore directeur...

- Ah bon, c'est nul... Chiara soupira cette fois bruyamment, désappointée.

- Si tu crois que ça m'amuse... en plus de ça je ferai partie du comité qui sélectionnera les films qui mériteront d'être présentés, ça fait déjà deux semaines que je bouffe du film intello-chiant...

- Mais comment vous gérez vos invitations? Insista Chiara ; c'est quand même pas une pauvre femme qui écrit sur chaque carton à la main et lèche les enveloppes pour les fermer, si?

- Bien sûr que non, rit Laurent. La liste des invités est enregistrée sous forme d'un fichier informatique. Le moment venu, un petit logiciel est programmé pour pondre des invitations à la chaîne, en se basant sur cette liste! Mon rôle à moi, c'est de vérifier avant de le lancer que la liste est complète. "

Chiara se mit alors à réfléchir sans répondre, en frottant son doigt sur sa lèvre d'un air sérieux. A l'autre bout du fil, Laurent s'inquiéta: "T'es toujours là?

- Oui! Dis, si je comprends bien, tu as un accès entier à ce fichier?

- Euh, oui....

-Et s'il n'est pas complet, c'est toi qui ajoutes le nom qui manque?

- Oui... Oh, reprit-il, je sais ce que tu vas me demander, et la réponse est NON.

- Aller Laurent, une personne de plus ou de moins, qu'est-ce que ça change?

- Je peux pas ajouter un nom qui n'est pas sur la liste initiale Chiara, si ça se sait  j'suis viré!

- Mais allez, ils seront au moins une cinquantaine non? Une personne de plus ou de moins, qui le verra?

- Il devrait y avoir environ soixante-dix personnes... admit Laurent. Mais même, si quelqu'un s'amuse à vérifier, j'suis mort!

- Mais c'est toi l'inspecteur des travaux finis, on surveille pas chargé celui de surveiller, non?

- En principe non, mais...

- Ca fait bien un an que tu travailles pour eux, non?

- Un an et demi.

- Ils te font confiance, sinon ils t'auraient pas donné cette responsabilité?

- Ouais....

- S'ils ont fait cette liste c'est pour pas avoir à se souvenir de qui ils ont invité, je me trompe?

- Non! c'est pour...

- T'as vraiment pas à t'inquiéter! le coupa Chiara avec un enthousiasme forcené pour le faire céder. En plus il peut très bien ne pas venir, alors qu'est-ce que tu risques?

- Trois nuits aux frais de la princesse dans un des hôtels les plus chics de Paris, une soirée à la Tour Eiffel avec caviar et saumon fumé au menu, je connais pas un con qui refuserait! s'exclama Laurent, offusqué.

- Ben dis-donc, t'es pas tombé dans une boîte de pauvresses, admira Chiara.

- Qu'est-ce que tu crois? Répliqua Laurent d'un ton fier. Bon, pour ton histoire on verra. J'ai bien dit: "on verra"! Faut que je te laisse là, j'ai rendez-vous à 14h pour une réunion."

Chiara raccrocha avec un large sourire de satisfaction. Il accepterait, à n'en pas douter! Avant de la laisser, Laurent lui avait signalé malicieusement que si elle était toujours décidé à écrire une bluette destinée aux "masses", elle aurait tout intérêt à y instiller un peu de psychologie et de philosophie de comptoir... Chiara ne répondant que par un silence dubitatif, Laurent explicita ses paroles: "Maintenant la mode n'est plus aux gros niais de Love Story, les gens veulent des héros intelligents! Ou en tout cas, qui en ont l'air... Quand un film est catégorisé comme "drame psychologique", l'audimat explose! Il faut des beaux sentiments bien sûr, mais ça ne suffit plus: tes personnages doivent par leur attitude montrer pourquoi psychologiquement, métaphysiquement et philosophiquement ils ne devraient pas coucher ensemble, mais pourquoi le faire métaphoriquement ne leur suffira jamais!". Chiara avait éclaté de rire, puis répliqué d'une voix aigre qu'elle avait justement eu droit à un cours de psychologie de bazar récemment. Elle songea alors à Christian et à Caroline, se demandant si sa réaction avait été exagérée, si elle pourrait régler la situation ou s'ils passeraient le reste de leur temps à s'éviter jusqu'à se perdre de vue.


Séquence 22:

Le même jour Chiara dut retourner en cours, et affronter Christian. Ses altercations avec lui et Caroline s'étaient déroulées deux jours avant, mais elle n'avait toujours pas de nouvelles de son amie, et n'osait pas l'appeler. Quand elle aperçut les premiers élèves elle évita les regards, mais aucun ne semblait la regarder avec une attention particulière. Elle alla rejoindre Fathia qui lui sourit comme à l'accoutumée: Chiara en déduisit avec soulagement qu'elle n'avait pas eu vent de son éclat de vendredi. Elle jeta un regard d'ensemble et aperçut Christian, qui tourna les yeux vers elle comme s'il pouvait sentir sa présence: elle détourna aussitôt la tête et concentra son attention sur son ordinateur qui démarrait. Christian ne vint pas la voir, à sa déception et à son soulagement.

Mais après le cours, une fois dehors et prête à rentrer chez elle, Chiara entendit son nom hélé. Elle se retourna et se trouva nez à nez avec un Christian essouflé. Il confessa avec peine: "Ecoute, je voulais te dire... Je suis désolé pour ce que je t'ai dit l'autre fois, c'était très con... Vraiment très con, et je...

- Non c'est moi, l'interrompit-elle avec embarras. Je n'aurais pas dû réagir de cette manière, même si ce que t'as dit était effectivement très con... Il rit et demanda:

- C'est vrai que tous tes mecs étaient systématiquement "décevants, chiants ou simples"?

- Quoi, j'ai dit ça?! S'exclama-t-elle, feignant la honte.

- Oui je te jure!!". Ils s'esclaffèrent.

Chiara reprit d'un ton plus sérieux: "Non, je vois rarement les hommes d'un oeil aussi noir... Ca m'arrive quand je suis en colère, quand ils me fatiguent - et ils y arrivent toujours - quand ils me portent sur le système avec leur machisme, leur incapacité à trouver ce qui ne va pas, leur égoïsme parfois... Mais je les aime vraiment, je ne clame jamais des poncifs genre: "tous les mêmes" parce que je sais qu'un homme peut être aussi complexe qu'une femme sinon plus, et j'essaie de comprendre et d'accepter vos différences... Je veux essayer en tout cas. Et, une autre chose que je veux que tu saches c'est que... j'suis bisexuelle, mais pas bigame et encore moins poly... A bon entendeur", conclut-elle avec un vague sourire. Il esquissa à son tour un sourire et se rapprocha doucement pour murmurer: "Je n'ai jamais cru cela. Croix de bois croix de fer...

- Laisse béton, je suis insensible aux bondieuseries...

- Ok. Mais à cela peut-être pas..."

Il déposa un timide baiser sur ses lèvres. Elle sourit plus largement sans répondre, les yeux pétillants, et lui rendit un vrai baiser en retour. Leur premier, et le bon peut-être? Qui savait...


Séquence 23: Caroline dit

Ce même matin où Chiara téléphonait à Laurent pour lui demander un nouveau service, Caroline se réveillait à côté d'un mec ramassé la veille dans un bar local ; du moins selon ses souvenirs... Le type, qui devait bien avoir vingt ans de plus qu'elle, ronflait comme un vieux porc. Elle se pencha légèrement pour voir son visage: un poux. Comment était-il arrivé dans son lit, celui-là?

D'un geste impatient, elle secoua le type. Celui-ci se réveilla en grognant, ouvrit un oeil puis deux, et enfin se redressa pour la regarder. Goguenard, il s'exclama: "Salut beauté!

- Qu'est-ce que tu fous encore là? L'interrogea-t-elle, sèchement.

- Ben, tu t'es endormie comme une masse! Mais alors avant ça... Pffiou, on s'est bien secoués!". Il partit d'un rire gras. Caroline l'observa quelques secondes interdites, se dit qu'elle devait vraiment avoir bu comme un trou pour ramener un tel "truc" chez elle. Puis elle sauta énergiquement du lit, ramassa les affaires du type et les lui balança. "Bon ça va maintenant, rentre chez ta femme.", ordonna-t-elle les mains sur les hanches.

"Je te l'ai dit hier, je suis divorcée depuis trois mois... Tu pourrais me laisser prendre une douche au moins! protesta-t-il en gémissant.

- Je m'en fous, c'est pas un hôtel ici! Je me rappelle même pas de t'avoir invité, t'as eu de la chance c'est tout... Maintenant qui que tu sois... Elle déglutit et ajouta avec une politesse forcée: s'il te plaît, va-t-en de chez moi!!"

Il s'habilla alors prestement, et avec colère, pesta: "Ouais, ça  ressemble à un hôtel de passes pourtant, avec tous les mecs qui ont dû passer là!". Comme elle ouvrait grand la porte d'un air décidé, il enfila ses chaussures et poursuivit sur le même ton colérique: "T'inquiète pas poulette j'me tire... C'est pas grave, t'étais un super bon coup, je te conseillerai à tous mes potes et avec ton look de petite pute, ils vont pas te rater!". A ses mots elle redoubla de rage et le poussa dehors en criant: "Casse-toi!", claqua la porte et la ferma à double tour. Derrière la porte, le type hurla: "Petite pute, va!". Elle colla l'oreille à sa porte: le son des pas du stype résonna dans l'escalier, puis s'estompa jusqu'à s'éteindre.

Elle appuya son dos contre la porte et poussa un long soupir. Elle jeta un regard torve au champ de bataille du lit: elle ne se souvenait pas d'une seule seconde passée avec ce type... Tant mieux. Elle se rappelait juste avoir bu des verres et des verres de whisky dans ce bar, peut-être avait-elle pris quelque chose avant cela, du speed? Possible... Ou plus simplement, de l'herbe?

En parlant de ça... Caroline ouvrit le tiroir de sa table de nuit et en sortit un sachet d'herbe à fumer. Elle se roula un joint avec la dextérité que conférait l'habitude, l'alluma et s'allonga sur le lit, impassible, les yeux dans le vide. Chiara n'avait jamais deviné qu'elle prenait des drogues de temps à autre ; Caroline refusait qu'elle le sache. Elle avait commencé à seize ans, dans les boîtes. Elle n'était pas une victime à qui on avait glissé par malveillance de l'extasy dans son verre: elle était volontairement allée voir un dealer dans les toilettes pour hommes, et lui en avait acheté, comme ça. Ca s'était fait sur un coup de tête, comme sa décision de perdre sa virginité avec le premier venu, comme celle de ramener ce pecnaud chez elle. C'est comme cela qu'elle agissait toujours: sur un coup de tête. Si elle était venue au monde ce jour maudit de janvier 1983, c'était sûrement sur un coup de tête aussi. Quelle idée...

Chiara avait bien raison, il fallait l'admettre, enfin: elle n'était ni heureuse, ni épanouie, ni libre. Parce qu'elle était née un mois avant elle, Caroline s'était toujours sentie investie du rôle de grande soeur. Cela lui conférait, croyait-elle, le droit de donner son avis sur tout ce qu'elle entreprenait, de la houspiller quand un de ses choix n'était pas "raisonnable". "Raisonnable"... Chiara avait longtemps accepté docilement cette supériorité mais s'était rebellée récemment, allant enfin jusqu'à lui dire ses quatre vérités. "Tu n'as pas idée de ce que ces vérités sont dures à entendre, Chiara", songea Caroline ; "Découvrir après quoi, quinze ans d'amitié? qu'en fait la grande soeur c'était toi... Mais t'as vraiment tapé fort pour me le faire comprendre, c'était pas du tout nécessaire, et maintenant je t'aime plus. Enfin je crois... Tu sais, si j'en avais le courage, c'est pas un joint que j'aurais dans la bouche, ni une bite, mais un flingue. Seulement en plus d'être une "pute" et une loque, je suis lâche. Mesdames et messieurs admirez, admirez le Caroline Ferstein Show!".

Finalement, abrutie par le psychotrope, Caroline finit par s'endormir. Elle fut réveillée par la sonnette de la porte, se demanda combien de temps elle avait dormi: trois, quatre heures? Elle tourna péniblement son réveil vers le lit: six heures, encore mieux. Elle se força à sortir de sa torpeur car la sonnette insistait. Deux secondes durant elle craignit que ce fut l'autre qui revenait à la charge, mais depuis le temps il devait l'avoir oubliée dans un verre de vodka. Quel était le nom du bar déjà, qu'elle l'évite? Quelle merde, elle ne s'en rappelait pas. On sonna une troisième fois:  "Ca va, ça va, j'arrive!" grogna-t-elle. Elle passa une robe de chambre et alla demander l'identité de son visiteur. La voix de Chiara répondit timidement. Caroline hésita, puis déverouilla la porte pour laisser entrer son amie. Celle-ci pénétra dans le studio à pas lent, puis remarqua le tenue de Caroline: "Tu viens de te lever ou quoi?

- En fait oui, avoua Caroline en jetant un regard rapide à son peignoir et ses jambes nues. J'étais pas très bien aujourd'hui, mentit-elle, je suis restée ici pour me reposer.

- Je vois... En fait je venais pour... Elle s'arrêta en suspens, reniflant l'air avec surprise. On dirait que quelqu'un a fumé un pétard, ici!"

Caroline haussa les épaules et affirma qu'elle ne sentait rien, mais Chiara persista et se promena dans la pièce pour vérifier d'où l'odeur venait, avant d'aviser finalement le paquet entamé six heures avant par Caroline: "C'est à toi?!", s'exclama-t-elle en levant le sachet pour le montrer à Caroline. Celle-ci, qui en avait assez, avoua tout: "Ouais, c'est à moi, et t'as qu'à ouvrir le tiroir tant que t'y es, tu trouveras pleins d'autres trucs!". Chiara ne se le fit pas dire deux fois: elle trouva des pilues qu'elle n'identifia pas, de l'extasy, un peu de crack... Le tiroir aux merveilles de  Caroline, enfin révélé. Elle se tourna vers Caroline, attérée, et s'assit sur le lit comme pour se remettre d'un choc: "J'y crois pas, toi qui nous fais toujours ces discours moralisateurs sur la drogue!

- Je sais, je sais!" Admit Caroline en levant les mains en signe d'impuissance. Elle rejoignit Chiara sur le lit, prit ses mains dans les siennes et reprit: "'J'ai pas envie de parler de ça maintenant... Promis je t'expliquerai un jour, mais pas aujourd'hui. Là je suis super contente de te voir, car tout à l'heure j'ai pensé à tout ce que tu m'avais dit l'autre jour, et t'avais foutrement raison." Elle leva la main pour empêcher une contestation, et poursuivit: "Mais je m'en suis vraiment rendue compte ce matin, en me réveillant à côté d'un pauvre type dont je sais ni quoi ni qu'est-ce, qui avait l'âge d'être mon père et que j'ai rencontré je sais pas comment, je..." A sa surprise et à celle de son amie, elle éclata en sanglots et confessa enfin, entre les larmes: "J'ai besoin d'aide..."

Chiara ne répondit rien. Elle fit comme Caroline cent fois auparavant, pour elle: elle abandonna un baiser sur son front, et la serra contre elle en lui caressant les cheveux, en murmurant simplement: "Je sais.... Je sais...". Elles restèrent de longues minutes ainsi enlacées, le silence à peine rompu par les sanglotements de Caroline.

B.O: Caroline Says pt.2 de Lou Reed

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2 janvier 2007

Dream On (séquence 20)

Séquence 20: writing for not thinking

"Quand je ne travaille pas je pense et quand je pense, je suis déprimé": c'est cette citation de Woody Allen que Chiara se remémora pour se remettre au travail. Elle avait bien négligé ses deux amoureux, n'écrivant que quelques lignes de temps à autres, or la fin décembre approchait! Les guirlandes de Noël scintillaient dans les rues depuis un mois déjà, la ville avait sorti ses luminaires, les mêmes depuis vingt ans, et les arbres revêtaient chaque matin un manteau de givre. Chez Chiara, nul sapin ne trônait dans le salon encore: comme chaque année la famille L. était en retard dans ses préparatifs, et serait tout autant en retard pour les défaire. Mais cette année en particulier, Chiara se serait tout aussi bien passé de boules et de guirlandes ; elle se fichait comme d'une guigne de Noël, et avait la nette impression que le reste de la population partageait son indifférence ; il règnait plus que jamais dans ce pays une rage contenue, un ressentiment de plus en plus en fort contre la violence extérieur et le gouvernement en place, qui détruisaient à néant tout esprit de Noël. Les commerçants, en revanche, ne lui avaient jamais semblé aussi enthousiastes et touchés par la grâce: début novembre les magasins étaient armés jusqu'aux dents d'affiches de promotions et d'offres, impossibles à refuser par l'acheteur désireux de se ruiner en économies annoncées. Dans le supermarché où Chiara avait travaillé pendant deux ans et demi, une assemblée de Pères Noël cernaient un amoncellement de cadeaux à vendre ; elle avait fait remarquer à un de ses ex collègues que cette vision lui rappelaient le cauchemar de "La Cité des enfants perdus" de Jeunet et Caro, mais il n'avait pas semblé comprendre.

Chiara ne ressentait donc pas l'esprit de Noël glisser sur elle, non, en revanche elle attendait le passage à 2007 avec une impatience non feinte. Vingt-neuf jours après les premiers feux d'artifice de l'année, elle rencontrerait Gale Harold avec l'aide de Laurent, même si celui-ci ne le savait pas encore. Il lui avait pourtant annoncé fièrement que ce jour-là se tiendrait l'inauguration du festival du film indépendant, qu'elle aurait lieu à Paris, que seraient invités une bonne centaine d'acteurs français et étrangers ayant joué dans des films indépendants, et qu'il serait chargé d'organiser cette liste d'invités! Mais non, pas une seconde il ne s'était douté du plan qui germait dans la cervelle fertile de Chiara à l'instant où il lui annonçait cette formidable nouvelle. "New York, New York... On se rencontrera, mais une autre fois!" avait-elle songé, aux nues.

"Séquence 24: dernier cours pour David et Sofia"

C'est maintenant, ou presque, que tout doit se jouer. Ce n'est pas encore la dernière séance de TD de l'année, loin s'en faut, mais la dernière chance pour David et Sofia de se rattraper de l'échec de leur dernière rencontre: sans cela, ils feront toujours comme rien ne s'était jamais passé"

"Et il n'y aura pas d'histoire, marmonna Chiara pour elle-même, donc on s'en fout...".

C'est à ce moment qu'elle les vit: David/Gale et Sofia/Marina, "en chair et en os", à un mètre d'elle, flottant assis sur des chaises imaginaires au-dessus de son parquet. Elle se frotta les yeux énergiquement, cligna deux fois, mais rien ne changea: ils étaient toujours là, imperturbables. Elle quitta son siège, tenta de faire réagir David en lui tapant l'épaule, sans succès. Ils restaient tous les deux immobiles, à se regarder, semblant attendre. Chiara se rassit, interdite. Une petite voix se fit entendre dans sa tête: "écris, imbécile, c'est comme ça que tu les feras bouger!". Elle était sceptique, mais ne sachant que faire, s'exécuta néanmoins:

"David arrive en retard pour la première fois, il dit à peine bonjour et sort ses affaires précipitemment. Il est très embarrassé et fait son possible pour éviter le regard de Sofia, qui le fixe... imperturbablement."

Chiara jeta un oeil de côté tout en écrivant: la voix disait vrai, David faisait les mouvements qu'elle l'imaginait faire, et Sofia le regardait fixement comme elle le décrivait! Quand Chiara s'arrêta d'écrire, les personnages s'immobilisèrent en pleine action ; dans l'état où elle les avait laissés, en somme. La jeune femme soupira et maugréa que Caroline avait raison, faisant ainsi référence à leur dernière virée sur Paris. Elle les laissa en plan pour aller se faire un thé, espérant ainsi que cette vision serait partie entre temps. Quand l'eau fût chaude puis le thé infusé, elle prit son temps pour le déguster. Elle se dit que l'effet de la théine allait agir, la réveiller et que tout reviendrait à la normale, mais ce qu'elle vit la détrompa: ses personnages occupaient toujours son salon, au même endroit, dans la même posture. Dubitative, elle retourna tout de même s'asseoir. La sagesse aurait bien sûr voulu qu'elle se contente de faire une sieste, mais elle n'était pas du genre à se laisser impressionner par les esprits. Elle décida même de faire un test:

"David porte un pantalon marron en velours côtelé, une chemise blanche à rayures noires et des chaussures en cuir brun."

Ni une ni deux, David se retrouva habillé comme elle l'avait écrit. Ce changement le fit réagir: il n'aimait pas du tout, indiqua sa moue. Chiara éclata de rire et fit de même avec Sofia, en l'affublant d'une mini-jupe rose, d'un pull-over jaune et de bottes à hauts talons rouges. Le personnage se cacha les mains. Quand Chiara remplaça les beaux cheveux bruns de Marina par une tignasse de la couleur des bottes, elle éclata en sanglots! Chiara s'amusa ainsi quelques minutes, puis effaça toutes ses sottises pour que les personnages retrouvent leur allure d'origine. Chiara songea que si c'était sa conscience qui lui jouait des tours - ce qui était certainement le cas - c'était un tour bien comique.

"La B.O est Not me de This Mortal Coil, dans la continuité de la dernière scène. Les paroles disent notamment:

"You didn't touch me
It may be as well that
I didn't see the point
"

Le cours se passe comme à l'accoutumée, mais dans un malaise ambiant inhabituel, que tous les élèves perçoivent mais dont ils ne connaissent pas la source. Tous sauf Sofia, qui ne quittera pas une seule fois David du regard, qui quant à lui fera tout pour l'éviter. C'est seulement à la fin, quand elle lui dit au revoir avec un dernier élan d'espoir, qu'il consent à la regarder ; elle espère visiblement qu'il la retiendra, mais il dit au revoir à son tour et détourne les yeux. Elle quitte la salle sans un mot. La chanson se termine alors par:

"But I thought that in order to survive you need to touch me
All of the me's
"

David reste seul, les mains dans les poches et pensif."

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Chiara décida cette fois de ne pas conclure le cours comme les fois précédentes ; un réalisateur devait varier les plaisirs pour ne pas ennuyer le spectateur. Cette fois elle allait laisser planer le suspens quelques secondes.

"Dehors, sur la passerelle

Sofia est à présent en train de marcher sur la passerelle, en direction des grands magasins. Soudain, son téléphone portable vibre dans la poche dans son manteau. Elle constate avec étonnement que c'est le nom de David qui apparaît sur l'écran, et décroche aussitôt. Tout d'abord, il ne fait que se râcler la gorge. Elle l'encourage timidement: "Monsieur Simpson?". Il se décide finalement à parler: "Je voulais...m'excuser pour l'autre soir". Elle sourit.

Retour sur lui: il poursuit: "Je voudrais savoir si je pourrais me rattraper en vous invitant à dîner au port de Cergy, vendredi soir... si vous êtes libre...

R sur elle: "Je suis censée répondre "oui" ou "non"?", le taquine-t-elle.

R sur lui: surpris, il réplique: "Je ne suis pas sûr de comprendre.... J'aimerais vraiment que vous acceptiez, mais si vous refusiez ce serait... compréhensible..."

R sur elle: "ce n'est pas un test?"

R sur lui: il fait entendre un rire léger, et répond: "Un test, non, pas du tout... Je veux juste me faire pardonner mon attitude assez grossière... en tout bien tout honneur bien sûr."

R sur elle: un peu déçue et voulant le faire savoir, elle accepte en répétant: "En tout bien tout honneur... Hé bien, en tout bien tout honneur, j'accepte!"

R sur lui: "Ok, c'est très gentil... Je vous retrouve à 19h si c'est bon pour vous... à vendredi?". Elle acquiesce, et il raccroche. Il reste quelques secondes debout à rêvasser, le sourire aux lèvres, puis se dirige vers les toilettes de l'étage pour se laver les mains. Avisant son visage dans le miroir, il se regarde un moment d'un air sérieux et réprobateur, puis se dit à lui-même: "Asshole." Ensuite, il part.

Séquence 25: chez David, le soir

David doit à présent trouver un prétexte pour rentrer tard vendredi soir. Ce n'est pas la première fois qu'il a à le faire, mais il ne l'a tout de même pas fait assez souvent pour en avoir l'habitude. Le début de la scène ressemblera nettement à la 1ère fois où l'a vu rentrer chez lui, à cela près que sa femme est au téléphone avec sa mère, et que sa fille a six ans - il faudra modifier la 1ère en conséquence - . Celle-ci l'emmène dans sa chambre pour lui montrer ce qu'ils ont appris à l'école, et le dessin qu'elle a fait de leur famille en retrant à la maison: papa et maman sur le canapé avec l'air de s'ennuyer, et Kathia en train de courir derrière le chat. David ne peut qu'être sincère en complimentant sa fille sur la ressemblance du dessin.

Durant le dîner Kathia et Kim monopolisent la conversation, tandis que David mange en silence. Kim s'enquiert de ce qui semble le tracasser. David lui assure que tout va bien ; Kim le regarde alors d'un air dubitatif et lui demande d'un air entendu: "Are you sure...?". David soutient d'abord son regard sans mot dire. Même la petite se tait et observe ses parents tout en avalant ses pâtes, puis David répond finalement d'une voix calme et sereine: "I'm perfectly fine. Don't worry, I'm just a little tired.". Kim semble être convaincue: il lui adresse un sourire serein qu'elle lui rend. Il laisse passer quelques minutes, puis se lance finalement: "Oh by the way, I have a dinner with some colleagues on friday... I may come home a little late.

- Oh really, what do you mean by "late?" demande Kim.

- I don't know, jure-t-il, parfaitement innocent, not very late I'm sure, but you know, I have to come back after and as it is a friday there might be a little traffic... well you know.

- Ok, so I don't wait for you... Kim soupire.

- Do you want to come? demande-t-il alors en haussant les épaules, pour la mettre en confiance.

- Oh no! répond-elle après un court moment d'hésitation. You will talk of work all night and anyways they will all speak French only, won't they?

- Well I don't know who speaks English and who doesn't....

- Never mind." Elle semble définitivement tranquilisée, et houspille Kathia qui fait des bêtises avec la nourriture.

Dans la chambre

Cette fois, ils s'embrassent, se mettent au lit, s'embrassent encore, et la lumière s'éteint car le devoir conjugal n'est guère passionnant.


Séquence 26: dinner at seven

David emmène Sofia dans un petit restaurant sur le "port" de Cergy, on ne sait pas encore lequel car l'auteur n'a pour ainsi dire jamais été sur ce port... Elle s'est habillée comme pour une soirée mondaine, lui se sent idiot d'avoir toujours ses vêtements de ville, mais c'était difficile de le faire revenir chez lui pour se changer. Pas de dialogues dans cette scène, juste Avalon de Roxy Music car une telle séquence se passe de dialogues, les regards, la voix de David Ferry et le romantisme suffisent... Cela, et le fait que l'auteur soit présentement extrêmement paresseuse du clavier, expliquent que toute cette scène sera muette. Après le dîner ils vont se promener au bord de l'eau en roucoulant, il la fait rire - c'est l'Homme qui doit faire les plaisanteries et la Femme qui doit rire, le contraire étant forcément suspect - ... "

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"Tout ça est d'un barbant"... songea Chiara en bâillant. Laurent pousserait sans doute des cris d'orfraie en lisant son manuscrit, mais peu lui importait: elle travaillerait plus tard avec des gens qui avaient tourné au moins cent fois cette scène exacte. De toutes les manières, il était alors certain que Laurent n'aurait jamais le temps de "scénariser" son histoire. Il faudrait que Chiara se dépêche de la traduire - elle avait commencé - et la donne telle quelle à Gale Harold.

Séquence 27: climax

Pour conclure cette soirée idyllique, Sofia avoue qu'elle a passé une excellente soirée - évidemment - et propose -  à David - évidemment - de prendre un dernier verre chez elle. Elle rajoute finement - finement, mon oeil -: "en tout bien tout honneur bien sûr!". Il accepte mais des deux, c'est bien lui le moins rassuré. On doit se demander si pour lui, le pire serait qu'il se passe quelque chose, ou qu'il ne se passe rien. Le studio de Sofia est nickel chrome, à croire qu'une compagnie de nettoyage est passée depuis la dernière fois. Pour mettre de l'ambiance elle allume tout de suite la radio, et comme par hasard, c'est Wild is the Wind par David Bowie qui passe (ndla: en vrai quand on allume la radio, on tombe sur Céline Dion en fait de chanson d'amour. Ici, toutes les radios sont à nous!). En fait de verre, elle n'a toujours que du jus de fruit à donner. David, qui sait que les jeux sont faits, tente néanmoins pour la forme de négocier un retour sans encombres à la maison mère en bredouillant qu'il doit rentrer: elle fait mine d'acquiescer, dépose d'abord un baiser sur sa joue, puis sur ses lèvres"

Chiara s'arrêta brusquement, car elle vit qu'à ses côtés les personnages semblaient un peu perdus: Sofia, en voulant embrasser David, était en fait trop petite pour cela et tombait donc sur son épaule. Forcément, avisa Chiara, Marina n'était pas très grande, et Gale Harold lui faisait bien un mètre quatre-vingt-dix! "Fallait que je trouve un acteur aussi grand que Michael Jordan...", grommela tout haut Chiara, qui décida de corriger ainsi:

"Sofia se mit sur la pointe des pieds, sourit et déposa un baiser sur sa joue, puis sur sa bouche."

Elle les surveilla tout en écrivant: c'était déjà mieux, mais le mouvement était un peu ridicule. Elle décida de noter pour plus tard qu'il faudrait les filmer en plan rapproché, ce qui serait de toutes façons plus logique pour une telle scène. Elle lança la chanson de Bowie pour se mettre dans l'ambiance, et se remit au clavier tout en chantant les paroles en choeur avec lui: "Love me, love me love me, love me, say you do...."


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"Il la contemple, et baisse la tête vers elle pour lui donner à son tour un baiser. Elle s'accroche alors violemment à lui, comme la 1ère fois, comme pour l'empêcher de s'échapper à nouveau. Leurs langues se taquinent, puis s'entrelacent. D'un geste instinctif, il remonte ses mains et descend la fermeture éclair de la robe de Sofia. Celle-ci le regarde alors en souriant et murmure: "Toujours en tout bien tout honneur...?
- Evidemment..." "

"Youuuuuuuu touch me, I hear the sound of mandoliiiiins...."

"Il l'embrasse à nouveau avec voracité puis c'est elle qui déboutonne sa chemise - il est presque imberbe, le pied! - . A ce moment-là il hésite: "Je sais pas si on doit... " mais elle l'interrompt: "Bien sûr que si", et le tire par la chemise vers sa chambre. Il la suit docilement, résigné à porter le fardeau de l'infidélité - fardeau très lourd à porter, à en croire le nombre de maris qui trompent leurs femmes! - enlève timidement sa chemise et la pose délicatement sur le dos d'une chaise. Elle le contemple un moment sereinement, passe tendrement une main dans ses cheveux puis s'assied au bord du lit, face à lui. Il transpire déjà à petites gouttes quand elle déboucle sa ceinture et fait tomber le pantalon à terre.  Elle met... non, ça ne plairait pas à la ménagère de moins de 50 ans, se contente donc de faire glisser sa robe et de s'allonger sur le lit entièrement nue, et lui fait signe de la rejoindre."

Chiara s'arrêta un court instant pour s'imprégner de la musique, elle et David Bowie chantant toujours à l'unisson ; elle ne fit cependant que chuchoter "you're life itself....?", trouvant trop sublime sa voix à ce moment précis pour la couvrir. Puis elle reprit son récit:

"Il s'allonge doucement sur elle, entre ses cuisses accueillantes, lui caresse les cheveux et l'embrasse, et on arrêtera là la description parce c'est superflu. La scène devra impérativement être très érotique sans être racoleuse, et se conclure avec la fin de la chanson. "

Chiara souffla en tapant le point final de la scène, se sentant plus fatiguée et affamée que si elle avait elle-même fait l'amour. Vivre par personnage interposé, était-ce possible? S'interrogea-t-elle, brièvement. Elle avait tout d'abord pensé décrire la scène jusqu'au bout, mais voir ses personnages - voir Marina - faire réellement ce qu'elle écrivait juste à côté d'elle l'avait tout à coup troublée. L'incarnation de l'inconscient, songea-t-elle, n'était somme toute pas si drôle que cela. D'ailleurs, à peine la scène fût-elle bouclée que les personnages disparurent. Elle se demanda s'ils réapparatraient si elle ouvrait une nouvelle scène, mais préféra ne pas essayer. Elle dit à son chat, qui la fixait tranquillement de ses grands yeux verts, qu'il était largement l'heure de faire une sieste.

28 décembre 2006

Dream On (séquence 19)

Séquence 19: Bad Day

Chiara avait menti à Marina sur un point: le cours auquel elle devait assister n'était pas obligatoire. Mais d'une part, elle n'aimait pas avoir de blanc dans ses notes. D'autre part, elle tenait absolument à voir Christian pour lui parler de la soirée passée. Elle espérait également qu'il ne raconterait pas son histoire à tout l'amphithéâtre... Chiara pensait s'assumer, mais n'était pas pour autant prête à voir sa vie privée étalée au grand jour. Elle se demandait d'ailleurs ce que cela lui ferait, la première fois où elle lirait des affirmations grotesques écrites sur son compte dans un journal.
Christian la vit arriver et sourit. Un peu mal à l'aise, elle le sonda maladroitement:
- "Salut! Alors... Remis de tes émotions?
- Oh oui, rit-il, je ne m'y attendais pas, mais j'ai eu nouvelle plus traumatisante!"
Chiara le fixa d'un oeil inquisiteur, et suggéra: "On peut aller dehors, deux minutes?"

Ils sortirent et trouvèrent un coin discret pour discuter:
- "Tu dois croire que je suis gay, maintenant? Reprit Chiara.
- Après t'avoir vue partir avec cette fille, c'est dur de....
- Je ne suis pas lesbienne! l'interrompit Chiara avec empressement. Cette fille, c'est pas ce que tu crois... Enfin si, c'est ce que tu crois - elle émit un rire nerveux - mais c'est rien de très sérieux, ça me prend de temps en temps mais en général... Enfin tu vois!
- Donc en fait, tu es bisexuelle? Enfin, s'empressa-t-il de continuer, ça ne me concerne pas après tout...
- Si, si ça te concerne, affirma Chiara avec sérieux. Je t'aime beaucoup tu sais, vraiment beaucoup, et c'est pour ça que je t'ai emmené là-bas, pour que tu saches... ce que je suis.
- Ah... Donc en fait tu me draguais? C'était subtil, je dois dire, j'ai rien vu venir, lâcha Christian d'un ton aigre-doux.
- Je suis vraiment désolée, s'excusa Chiara avec sincérité, cette fille que j'ai rencontrée... C'était complètement inattendu, ça n'aurait pas dû se passer comme ça..."
Christian hocha la tête en esquissant un léger sourire désabusé. Puis il demanda timidement: "Ta copine, Caroline c'est ça? Elle m'a dit que je te plaisais, il y une part de vérité là-dedans?
- Une grande part même, avoua Chiara.
- Mais elle m'a dit aussi que tu ne sortais jamais avec des hommes parce que tu pourchassais une espèce d'idéal dans cet acteur là, Harole je-sais-plus-quoi, et qu'à part lui aucun gars ne trouvait grâce à tes yeux... poursuivit Christian d'une voix triste.
- Elle t'a dit que je voyais Gale Harold comme mon idéal?! s'exclama alors Chiara, estomaquée.
- Euh, à peu près oui...
- J'arrive pas à croire qu'elle t'ait dit un truc pareil! Cet homme... il est juste un acteur pour moi, je l'envisage même pas comme un être humain! Intérieurement, elle se jura de mettre une paire de gifles à Caroline dès que l'occasion se présenterait, furibarde.
- Mais le fait que tu sortes aussi avec des filles montre un certain mal-être par rapport aux hommes, un complexe de supériorité peut-être? Tu ne trouves pas ce que tu recherches chez un homme alors tu te rabats sur les femmes?
- Vous vous prenez tous les deux pour des étudiants en licence de psycho, ou quoi? S'écria Chiara, maintenant hors d'elle. Un complexe de supériorité, et puis quoi encore?! J'aime les garçons pour certaines qualités qu'ils ont et les filles pour d'autres, point barre! Je n'ai pas de prétentions disproportionnées ou des envies de domination! Faut toujours que l'on explique les préférences sexuelles par des raisonnements psychologiques à deux balles, ça me gonfle!
Je me "rabats" pas, comme tu dis, sur les filles parce que je trouve pas de mec qui me convienne, même pas parce qu'ils sont systématiquement décevants, chiants ou simplets,  mais parce qu'elles me plaisent, je veux dire pour ce qu'elles sont! Je sais que c'est dur à encaisser pour des hétéros qui croient durs comme fer qu'une femme a besoin de vivre à travers un homme pour se sentir exister, mais la simple vérité, c'est qu' on n'a pas toutes besoin de vous!"

Elle qui avait voulu rester discrète, c'était réussi: à présent tous les étudiants présents les observaient, choqués ou amusés. Christian de son côté resta coi, ne sachant que dire. Chiara rougit jusqu'aux oreilles en sentant les regards fixés sur elle et les ricanements qui montaient déjà dans son dos ; elle marcha à grands pas vers la porte menant à l'escalier et s'enfuit dans les étages.

Arrivée au rez-de-chaussée, elle s'assit sur une marche d'escalier et songea à ce que venait de lui dire Christian. Pourquoi s'était-elle énervée ainsi? Etait-elle juste furieuse qu'il ait découvert en partie ce qui se tramait en elle? "Non", se dit-elle, "il fait fausse route." Elle n'avait aucun complexe de supériorité par rapport aux hommes, bien au contraire, c'était eux qui la croyaient toujours plus brillante, plus mystérieuse, plus gentille... Tous ceux avec qui elle était sortie l'avaient crue plus, plus, plus! Sauf un: lui, oui Lui, elle ne l'avait jamais déçu. Paradoxalement, c'est lui qui l'avait fait le plus souffrir, celui qui s'en était le plus excusé aussi, et bien sûr celui qu'elle ne pourrait jamais avoir. Ses pensées dérivèrent vers Caroline, et sa colère se ranima. Elle s'imagina comme un Sim fâché contre un autre Sim, qui voit la tête entourée de flammes de celui qui l'a provoqué. Elle ouvrit le clapet de son téléphone et composa le numéro du portable de Caroline ; celle-ci décrocha à la première sonnerie, et Chiara lança sèchement: "Ouais, c'est moi. Ton cours est fini là? Ok, j'arrive." Aussitôt, elle bondit sur ses pieds et courut au sous-sol, où se trouvaient les deux amphithéâtres de Lettres.

Caroline était en train de discuter avec un grand brun à lunettes quand Chiara déboula vers elle et l'empoigna sans mot dire pour l'emmener à l'écart. "Hé, bonjour quand même? Geignit Caroline. Ta soirée s'est bien terminée, tu t'es bien éclatée?

- T'occupes! Qu'est-ce que t'es allée raconter à Christian hier soir?

- Euh je sais plus, à quel propos?

- Fais pas ta conne, je te parle de ce que tu lui as sorti à propos des mecs et de Gale Harold!

- J'ai juste dit la vérité, répondit alors Caroline en lui jetant un regard de défiance. Tu penses qu'à ce type, et pendant ce temps tu traînes ce pauvre Christian dans une boîte lesbienne et emballe une fille sous son nez, il a bien le droit de comprendre ce qui se passe, non?

- Faudra te répéter combien de fois que je m'intéresse pas personnellement à lui! ça te dépasse à ce point-là, qu'on puisse avoir une simple et sincère admiration pour le talent d'une personne, sans penser forcément à se la faire?

- Bien sûr que si! Mais il est clair que tu idéalises ce mec, et c'est malsain. Ca commence par de "l'admiration", et ça finit par un autel à son image... T'es une groupie!"

Chiara ne répondit pas tout de suite, voulant d'abord se calmer pour éviter que la conversation ne tourne à nouveau au drame. Finalement elle reprit posément:

- Je n'ai rien à voir avec une groupie, Caro, et tu le sais. Je ne suis pas à l'affût d'infos sur la vie privée de Gale Harold, je ne rêve pas d'avoir son autographe, je ne rêve pas de lui, je n'imagine pas que je le connais personnellement et qu'on va se marier et avoir beaucoup d'enfants, et je ne peux pas l'idéaliser puisque je ne prétends pas savoir quel genre d'homme il est! je n'ai même pas de poster de lui dans ma chambre, c'est dire jusqu'où va mon groupisme!!

- Tu as sa photo en fonds d'écran, rappela Caroline.

- Et toi Josh Hartnett, tu te considères comme une groupie?

- Tu peux me dire ce que tu veux, toujours est-il est que ce scénario, ou je sais pas quoi que t'écris en ce moment te bouffe complètement, je te reconnais plus!

- Normal, c'est la première fois que tu me vois commencer quelque chose pour le finir, ça doit te changer c'est sûr! S'exclama Chiara, énervée par l'obstination dont faisait preuve Caroline. Jusqu'à présent tu me reprochais de ne pas me donner assez à fonds dans mes projets mais maintenant, j'en fais trop? Décide-toi!

- Oh, j'ai rien à décider, s'énerva Caroline à son tour, après tout si tu veux foutre ta vie en l'air pour une chimère c'est ton affaire...

- Enfin quelque chose de vrai: "C'est mon affaire". Et Christian, lui aussi c'est mon affaire, rien ne t'autorisait à lui raconter ces imbécilités, il me prend pour une folle complexée grâce à toi!

- J'aurais pas dû, je sais!! Mais tu m'as soûlée avec ton avertissement: "pas touche" aussi... admit Caroline.

- Tu veux dire que tu l'as fait pour te venger?!Je t'ai envoyé ce texto en me disant qu'après m'avoir vue partir avec cette fille, tu te serais peut-être crue autorisée à l'allumer! J'ai pris mes précautions, c'est tout! S'expliqua Chiara en illustrant son propos avec les mains.

- Pourquoi as-tu imaginé une chose pareille??! S'exclama Caroline, suffoquée.

- Parce que c'est ce que tu fais!! Rétorqua Chiara avec lassitude. Tu me sermonnes à longueur de temps parce que selon toi je me berce d'illusions, mais toi tu te tapes un mec différent presque chaque soir en t'imaginant que ça remplit ta vie! Je vais te dire, en vrai tu es la personne la plus SEULE que je connaisse!"

Caroline avait encaissé cette salve en silence, et resta muette après que les dernières balles eurent été tirées. Chiara regretta aussitôt la dureté de ses mots mais il était trop tard, et elle vit la souffrance se peindre dans le beau regard bleu et sur le visage de nâcre.  Elle marmonna un "désolé" d'une voix faible mais Caroline secoua la tête et évitant son regard, répondit: "Non c'est moi, tu as raison... Le cours va reprendre, on se voit plus tard, hein..." Chiara ne sut que regarder le dos s'éloigner d'elle à pas lents ; soudain son amie lui parut maigre, et frêle. Et elle, un monstre.

En remontant vers son étage, elle se dit qu'elle tenait là une des journées les plus horribles de sa vie, sinon la pire. Elle avait perdu coup sur coup le premier garçon qui se soit sincèrement intéressée à elle depuis des lustres, et sans doute sa meilleure amie. Elle marmotta pour elle-même: "Je reviens, je vais me pendre...", mais pénétra dans l'amphi alors que le cours avait repris. Elle évita tous les regards, en particulier celui de Christian. Le cours fini, elle rangea ses affaires en quatrième vitesse et quitta la salle la tête baissée, sans dire un mot à personne. Bad day.

Extrait de Particles of truth de Jennifer Elster (J. Elster vs G. Harold)

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28 décembre 2006

Dream On (séquence 18)

Séquence 18: Eisbär

Chiara se réveilla dans une pièce inconnue au doux son de Eisbär de Grauzone repris par Nouvelle Vague. Elle sourit quand en se redressant elle aperçut Marina, son hôtesse, assise sur le tabouret d'une petite salle d'eau. Celle-ci ne la regardait pas, occupée à décorer conscienceusement ses ongles du pied de vernis à ongle rouge foncé. Chiara l'observa dans la tranquillité des draps, admirant le soin avec lequel Marina apppliquait le produit: pas une goutte n'effleurait la peau, chaque couche était égale. Ses pieds petits et fins constituaient le prolongement de jambes longues, lisses et dénudées ; son buste était à présent pudiquement recouvert d'une nuisette de satin blanc, mais on voyait encore légèrement pointer les petits seins bronzés que Chiara caressait encore la nuit passée. Des yeux de biche, une longue chevelure brune et soyeuse, légèrement dégradée: Chiara aurait juré avoir devant elle la plus belle femme du monde. Et c'est avec cette femme-là qu'elle avait fait l'amour la veille au soir...

Finalement Marina tourna la tête vers le lit et surprise, vit Chiara en train de l'admirer. Cette dernière sourit et lui fit un petit signe timide de la main pour dire bonjour. Marina se leva et monta gracieusement sur le lit pour se glisser contre Chiara ; elle murmura: "Désolée, c'est la musique qui t'a réveillée?
- Sans doute, mais c'est pas grave..."
Elles se sourirent et échangèrent un long baiser. Chiara s'exclama, émerveillée: "Qu'est-ce que t'es belle, j'en reviens pas!". Marina répondit par son rire chantant, et l'informa qu'elle avait préparé du café. Chiara détestait cette boisson mais pour une fois, se garda bien de le signaler. Tandis qu'elle avalait son café à grande gorgée pour mettre au plus vite fin à son supplice, elle avoua: "Tu sais, quand je t'ai vue hier soir, je me suis immédiatement dit que tu ressemblais comme deux gouttes d'eau à un personnage que j'écris en ce moment...
- "Ressembler", tu veux dire que tu aimerais qu'elle me ressemble? demanda Marina avec étonnement.
- Ce que je veux dire, c'est que tu pourrais être cette fille..."
Marina esquissa un sourire attendri et lui prit la main en disant: "C'est super gentil ça... Ca veut dire que tu penseras à moi quand tu écriras sur elle, maintenant?
- Tu voudrais?
- Je crois oui... Elle marqua une pause pour dégager une mèche du front de Chiara, puis reprit: et de quoi parle ton histoire?
- Oh... Je sais pas si je peux le dire, c'est un peu con... Chiara rougit, embarrassée.
- Si, j'insiste! Marina tapa joyeusement sur la table. Je veux savoir dans quoi je m'embarque, quand même!
- Tu n'as pas idée de ce dans quoi tu t'embarques si tu veux me revoir, songea Chiara.
- Hé bien tu l'auras voulu: Sofia - c'est "toi" - est étudiante, et tombe amoureuse de son chargé de TD d'anglais. Bien sûr il est marié, et pour l'instant je ne l'ai pas encore vraiment révélé mais il a déjà eu une aventure par le passé, peut-être même quelque chose de plus scabreux... je verrai.
- Tu vas me tuer? S'enquit Sofia d'un ton inquiet, et repartit de son rire chantant.
- Non rassure-toi ce sera un happy end, je veux vendre quand même!"
Elles éclatèrent toutes les deux de rire et revinrent à leurs tartines. Puis Marina demanda d'une voix de petite fille boudeuse: "Tu me le feras lire avant de l'envoyer à ton éditeur?
- Je sais pas... On devra se revoir pour ça! répliqua Chiara, coquine.
- C'est bien ce que je dis!"

Chiara se sentait comme sur un petit nuage: cette fille sublime, qui pouvait avoir n'importe quelle beauté du Marais dans son lit, voulait la revoir! Elle glissa son pied vers celui de Marina en prenant l'air de rien, et le chatouilla avec son gros orteil. Celle-ci poussa un petit cri de surprise et se mit à rire, puis lui donna des petits coups de pieds pour ensuite la chatouiller à son tour. Elles se levèrent et elle attrapa Chiara par la taille pour l'embrasser longuement. Mais en voyant la pendule par-dessus son épaule, celle-ci retomba de pleins pieds dans la réalité: "Merde, il est super tard!

- Il y a un problème? interrogea Marina, étonnée.

- Oui il faut que je file, j'ai un TD, impossible de le rater!"

Affolée, elle courut dans toute la pièce à la recherche de ses affaires, aidée par Marina qui lui demanda: "Si je te donne mon numéro de téléphone, tu m'appelleras?

- Oui bien sûr, pourquoi ne le ferais-je pas? Chiara s'arrêta net.

- Je ne sais pas, quand je t'ai vue hier, avec cette fille blonde, ce gars... tu me sembles un peu être une abeille qui vole de fleur en fleur. Et là maintenant tu t'apprêtes à disparaître pour un cours...?

- Caro est ma meilleure amie, quant à Christian, c'est juste un copain qu'on a traîné là pour rire... Et ce n'est pas moi qui ai foncé sur toi comme un missile en attendant... esquiva Chiara en plaisantant.

- Tu m'observais avec une telle intensité... que pouvais-je faire d'autre?"

Chiara lui prit les mains et jura: "J'ai vraiment un TD dans moins de deux heures, et j'habite très loin. Je vais te donner mon numéro, comme ça toi, tu pourras me rappeler!", proposa-t-elle.

Marina considéra son offre comme raisonnable. Chiara sauta dans son jean, enfila un débardeur qui sentait la cigarette et la sueur en pestant car elle n'avait pas de rechange, et son gros pull bleu. Elle embrassa un peu trop rapidement Marina, lui dit qu'elle était vraiment désolée de devoir partir ainsi et s'engouffra dans l'ascenseur.

En chemin, elle réfléchit à ce qu'avait ressenti Marina à son sujet: elle avait visé juste. Elle n'avait jamais osé approfondir une relation avec une fille jusque là, cherchant toujours le bonheur dans les bras des garçons... qu'elle ne trouvait bien sûr jamais.

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26 décembre 2006

Version imprimable de Dream On

Une version imprimable (et protégée) en PDF est à présent disponible ici.

Pour l'ouvrir, vous aurez besoin d'Acrobat Reader, disponible en téléchargement sur le site d'Adobe.

Très bonnes fêtes à tous :-)

13 décembre 2006

Dream On (séquence 16)

Séquence 16: L Word

Le lendemain de sa rencontre avec Christian, Chiara affronta une journée de grève. "Encore une...", soupira-t-elle debout sur le quai, en soufflant dans ses mains pour les réchauffer, son manteau n'ayant pas de poches où les fourrer. Elle avait fait confiance au site de la SNCF qui la veille, annonçait avec assurance qu'il n'y aurait aucun problème. Bien sûr, elle avait eu tort. Il était à peine huit heures du matin, et elle devait attendre presqu'une demi-heure dans un froid glacial à cause des grèves et de petits saligauds qui avaient bloqué une porte, et du même coup fait rater leur correspondance à une centaine d'usagers. Elle arriva finalement en TD d'anglais avec dix minutes de retard, mais ne prit pas la peine de s'excuser: la professeur savait très bien ce qui se passait. De toutes façons, Chiara ne l'appréciait pas et savait l'animosité réciproque ; chaque semaine, elle maugréait intérieurement en la regardant que son personnage était aux antipodes de la réalité qu'elle subissait chaque mercredi matin: beau, sympathique et intelligent. Si elle tolérait les deux premières lacunes sans trop de difficultés, la bêtise flagrante et l'incompétence de sa professeur exaspéraient Chiara au plus haut point. Comble de l'ironie, elle se levait à six heures du matin juste pour elle...

Deux heures plus tard, elle retrouva sa copine Fathia dans l'amphithéâtre pour un cours de droit du travail. Après l'avoir embrassée, Chiara pesta contre les responsables de sa mésaventure du matin: "Ils nous soûlent avec leur grève, ils préviennent même plus maintenant! Et tu peux me traiter de rasciste, n'empêche que ceux qui sont montés dans le wagon après que leurs potes aient bloqué les portes du train, c'étaient tous des beurs avec des bonnets sur la tête!

- Pourquoi je te traiterais de rasciste? Fathia haussa les épaules. Ces mecs sont mes voisins, je bien placée pour savoir qu'ils ne respectent personne... C'est le blanc de la banlieue tranquille qui te traiterait de rasciste! conclut-elle en riant.

- En effet, ce sont toujours les gens sans problèmes qui nous font la leçon", approuva Chiara tout en admirant secrètement la beauté de sa camarade.

Fathia avait le même âge que Chiara, ce qui les rendait toutes les deux plus âgées que la moyenne des étudiants de licence. Elle pratiquait la religion musulmane avec une foi intense, mais refusait cependant de s'affubler d'un voile, étant trop sûre de sa valeur pour se rabaisser symboliquement aux yeux de son Dieu et des hommes. Fathia était en plus une splendeur, et Chiara ne se lassait pas de la dévorer des yeux chaque fois qu'elle en avait l'occasion. Malheureusement, Fathia avait un petit ami depuis trois ans ; Chiara avait songé à elle en créant la confidente de Sofia. A sa connaissance elle était hétérosexuelle, à sa connaissance seulement... Alors que les heures s'écoulaient, elle songea à l'invitation de Christian. Elle eut envie de proposer à lui et à Fathia de se rendre au Pulp le prochain samedi soir, mais elle avait peur d'avouer du même coup à Fathia qu'elle aimait les femmes. Celle-ci risquait en effet de s'apercevoir de l'attirance que Chiara éprouvait pour elle, et de s'éloigner de peur de se faire harponner. Elle décida donc d'attendre de la connaître mieux. Par contre, la réaction de Christian lui importait peu. Les hommes étaient rarement choqués par l'homosexualité féminine: soit elle les excitait, soit ils s'en moquaient. Elle eut une idée de génie: demander à Caroline de les accompagner. Trop heureuse de voir Chiara s'intéresser à un membre de la gent masculine, elle ne pourrait pas refuser.

Justement, son amie vint la rejoindre quand le cours eut touché à sa fin. Le portable de Chiara réintégra sa mallette et celle-ci tira la jolie blonde par la manche sans que celle-ci ne puisse réagir. Elles se postèrent devant Christian et Chiara fit les présentations: "Christian, je te présente Caroline, ma meilleure ennemie!". Comme Christian riait Caroline précisa:

"- Ne crois pas qu'elle plaisante, il y a vraiment des jours où on se déteste!

- Quoiqu'il en soit, reprit Chiara, je me suis dit que ça serait sympa d'aller en boîte tous les trois, samedi prochain. Si vous êtes libres bien sûr!

- Pour moi ça va, répondit Christian, visiblement ravi par la proposition. Caroline haussa les épaules en signe d'assentiment. Quelle boîte? demanda-t-il.

- Je pensais au Pulp, c'est un endroit très sympa. Et soit dit en passant, c'est deux euros de moins que l'entrée à une fête de l'Essec! Chiara esquissa un sourire moqueur. Elle ajouta, malicieuse: en plus, c'est toujours pleins de filles...

- Il faut quand même savoir que... Chiara donna un coup de coude discret à Caroline avant que celle-ci ne puisse terminer sa phrase, et compléta rapidement:

- ... qu'on peut avoir du mal à se garer à partir d'une certaine heure!"

Caroline fit les gros yeux, mais garda le silence. Christian affirma qu'il se débrouillerait ; Chiara lui rappela que ni elle ni Caroline n'avait de voiture, et suggéra donc qu'ils se retrouvent à Cergy. Elle précisa que si besoin, elles dormiraient dans l'appartement de sa grand-mère, à Sèvres. La proposition fut acceptée, et ils se séparèrent avec gaieté.

Quand le jeune homme se fut éloigné, Caroline et Chiara firent de même, dans l'autre sens. Caroline nota: "Hé bien, voià une affaire rondement menée. Il est mignon, t'as des projets avec lui?

- Peut-être, répondit Chiara, un petit sourire aux lèvres.

- Ah, ça fait plaisir de te voir t'intéresser à un mec! Tu fais bien de me prévenir, il m'aurait bien plu. Mais t'aurais pu le prévenir que c'était une boîte à goudous quand même, il avait pas l'air de savoir, lui reprocha Caroline. C'est quoi l'idée?

- Qu'est-ce qui te dit que j'ai une idée derrière la tête? J'aime bien le Pulp.

- Tu en as toujours une! Affirma Caroline. T'amènerais pas un hétéro dans une boîte de gouines juste pour le fun. Alors, t'accouches?

- C'est pourtant simple, répliqua Chiara. Ce mec m'intéresse, je l'aime beaucoup et je crois que c'est réciproque, mais s'il sort avec moi je veux que ce soit en connaissance de cause.

- Tu pourrais lui dire tout simplement ; lui annoncer de cette manière c'est peut-être un peu brutal, non?

- Dans la mesure où pour l'instant il n'est pas question de sortir ensemble, c'est dur à placer dans la conversation, expliqua Chiara. De toutes façons il fallait bien qu'on se voie hors de la fac pour éventuellement aller plus loin... je fais d'une pierre deux coups, voilà tout!

- Il va pas être déçu... railla Caroline. Lesbienne dans son milieu naturel!

- Je ne suis pas lesbienne, s'irrita Chiara.

- D'accord, d'accord, et t'es pas hétéro non plus... Un jour 'faudra peut-être que tu choisisses ton camp, non? Chiara plaisanta:

- Pourquoi un "camp", on est en guerre? Caroline soupira:

- Après tout c'est ta vie sexuelle ma belle, t'en fais ce que tu veux... Bon, on est devant le RER là: on va toujours voir le dernier Woody Allen?

- Oh oui alors, depuis le temps que je l'attends!".

Séquence 17: Loud and proud

Le jour dit, Chiara donna rendez-vous à Caroline et à Christian à vingt-deux heures, devant l'université. Elle découvrit avec ravissement que Christian avait du Bowie dans sa voiture, et ils entonnèrent tous les trois à tue-tête des classiques comme Changes, que Chiara avait toujours considéré comme son hymne, mais aussi Station to Station, Moonage Daydream... Chiara ne sortait jamais d'une boîte - toujours une boîte gay - sans avoir demandé une chanson de David Bowie. Le plus souvent, bien sûr, ça se décidait entre Let's Dance et Modern Love, à croire qu'il n'avait chanté que dans les années quatre-vingt.  Quand ils pénétrèrent dans le club après avoir payé leur entrée, Madonnait hurlait son célèbre Hung Up, remixé dans une sauce pas très goûteuse. Christian s'étonna de ce que les filles avaient payé: il était habitué aux lieux dont l'entrée était gratuite pour elles. Caroline pouffa, Chiara quant à elle se borna à répondre qu'il comprendrait vite. En effet, quand il ressentit la dose d'oestrogène que transpirait la foule mouvante, qu'il constata qu'il n'y avait que des barmaid, et croisa des créatures au crâne rasé et vêtues de marcels, il comprit. Pour tout commentaire il souffla: "Ah d'accord...". Chiara se tourna vers lui, et l'interrogea d'un air futé: "Ca t'embête?

- Oh non... pas du tout! C'est marrant.", rétorqua-t-il, bien qu'étant visiblement en pleine confusion.

Chiara sentit qu'il se posait des questions à son sujet, mais n'osa toujours pas aborder la question de front. De son côté, Caroline s'était déjà fondue dans la foule, ayant repéré un des rares hétérosexuels de la boîte, venu comme Christian accompagné de copines. Il était manifestement plus jeune qu'elles mais Chiara dut reconnaître qu'il était très sexy, avec sa chemise ouverte et ses muscles longs et fins ; Caroline, avec sa beauté stupéfiante et son culot légendaire, ne tarda pas à le voler à ses ternes amies.

La chanson suivante fut Mother's Talk de Tears for fears. Chiara poussa un cri de joie, imitée par quelques congénères, et pénétra à son tour la foule en tirant un Christian intimidé par le bras. Elle le sentit toutefois se détendre quandelle se rapprocha de lui pourqu'ils dansent ensemble sur le tube lui aussi transfiguré. Comme il était encore tendu et regardait partout autour de lui comme s'il était en territoire ennemi, elle lui fit signe de se rapprocher et lui dit à l'oreille: "Détends-toi, t'es pas leur type mais elles vont pas te manger pour autant, je te jure!". Christian rougit puis rit doucement.

Chiara jeta un regard circulaire à la salle pour trouver Caroline, sans succès. En revanche, elle croisa les grands yeux noirs d'une petite brune à la peau mate qui dansait non loin d'elle. Son coeur cessa de battre pendant une seconde et demi: c'était Sofia. Ou tout du moins, était-ce ainsi qu'elle se l'imaginait. La fille dut remarquer son trouble car elle soutint son regard ; gênée, Chiara détourna le sien. Elle tenta de recentrer son attention sur Christian, qui s'amusait à présent comme un petit fou bien qu'il dansât gauchement. Mais ses yeux se reposèrent immédiatement sur la fille, qui lui sembla avoir un corps parfait, dont les déhanchements gracieux épousaient parfaitement le rythme de la chanson... Comme elle ne parvenait pas à s'en détacher, les yeux bruns la fixèrent une nouvelle fois ; une bouche sensuelle et légèrement pulpeuse dessina un sourire, et les pupilles se mirent à briller dans sa direction. Chiara sentit alors un drôle de creux dans son estomac, premier sympôme. Comme à chaque fois, elle sourit à son tour, puis fit mine de s'intéresser à son partenaire sans se départir de sa malice. Christian se rendit compte alors que quelque chose avait changé dans son expression mais avant qu'il ait pu demander, la belle brune était à leur côté. Elle s'était mûe vers eux sans cesser de danser, gracieusement. Elle s'adressa à Chiara, sans un regard pour Christian: "Salut. Tu aimes Tears for fears?

- Cette chanson en particulier. Répondit Chiara en souriant.

- On danse alors?" Suggéra la brune.

Chiara acquiesça et les deux jeunes femmes s'exécutèrent, sans se quitter des yeux. Christian, à l'évidence troublé, s'éloigna de la piste de danse et les regarda. Elles ne se parlaient pas et ne riaient même pas ensemble: le contact de leurs regards et de leurs membres suffisait. Le jeune homme était étonné mais pas choqué: deux jolies filles attirées l'une par l'autre qui dansaient ensemble, c'était simplement beau.

Quand un nouvelle chanson succéda à Mother's Talk, la jeune femme brune invita Chiara par un signe à aller au bar. Celle-ci l'imita pour indiquer leur mouvement à Christian qui acquiesça d'un signe de tête, et suivit sa nouvelle partenaire. A ce moment Caroline surgit de nulle part aux côtés de Christian, qui  sursauta quand elle dit à son oreille: "On dirait que tu as découvert un nouvel hobbie de Chiara!

- J'avoue que je suis très surpris! cria-t-il pour couvrir la musique, je ne pensais pas du tout qu'elle était lesbienne! Je croyais même avoir une chance avec elle, c'est dire...

- Tu en as une! lui jura Caroline sur le même ton. Tu lui plais beaucoup, elle me l'a encore dit hier!". Christian lui lança un regard stupéfait. Caroline proposa qu'ils aillent rejoindre les filles au bar, où ils seraient moins gênés par le volume assourdissant que de la sono.

Chiara et sa nouvelle amie, Marina, sirotaient chacune une coupe de champagne, obtenue gratuitement grâce à leur ticket d'entrée. La conversation portait pour l'instant sur leurs activités perspectives, banale entrée en matière. Marina déclara être stagiaire dans une agence de publicité parisienne et étudier dans ce cadre ; elle n'était par conséquent pas payée mais était néanmoins satisfaite de son travail, travaillant dur et apprenant beaucoup. Chiara se montra sincèrement admirative. Marina demanda: "Tu viens souvent ici? Je ne crois pas t'avoir jamais vue.

- Oh, cela dépend, parfois ce sera tous les week-ends pendant un mois, puis je vais passer deux mois entier en pantoufles... répondit Chiara. Elle ajouta en se passant nerveusement la main sur la nuque: de toutes façons je ne suis pas très remarquable...

- C'est faux, quand tu veux tu sais te faire remarquer... Marina fit entendre un rire chantant. Tu as un regard très intense, tu es très attirante...

- Et toi alors, tu es... magnifique", souffla Chiara en se rapprochant sensiblement de Marina.

Celle-ci allait répliquer, mais Caroline intervint, avec à côté d'elle un Christian mal à l'aise: "Désolée d'interrompre ce beau duo d'amours, je m'appelle Caroline et voici Christian, des amis de Chiara!". Elle tendit une main volontaire à Marina, qui la serra mollement et répondit: "Salut, je vous l'ai volée excusez-moi...". Elle examina Christian de la tête aux pieds et lança: "T'es pas un habitué de la maison, je me trompe?

- Je confirme, je suis venu en touriste... oui c'est ça, en touriste!". Les trois filles éclatèrent de rire, et Marina s'enquit de son appréciation de la visite: "C'est intéressant", rétorqua Christian, "Comme Chiara me l'avait dit, il y a... beaucoup de filles!". Il sourit malicieusement à Chiara, qui haussa les épaules avec une moue confuse. Marina fit à nouveau entendre son rire mélodieux et invita les nouveaux venus à commander à boite avec leurs entrées. Chiara s'enquit du jeune homme que Caroline avait ramassé: "Sa petite copine est venue le chercher en glapissant, fin de l'histoire", expliqua Caroline avec un léger dépit. Le groupe resta encore un moment au bar pour discuter, puis retournèrent danser.

Sur la piste, cette fois, Marina et Chiara dansèrent collées l'une contre l'autre. Chiara eut le souffle court quand les mains de Marina s'aventurèrent enfin sous son débardeur. Elle espérait passer la nuit avec elle ou au moins obtenir son numéro: Marina ressemblait tellement à Sofia! Elle fut frappée de s'entendre penser qu'elle lui "ressemblait": Sofia n'existant pas, n'ayant été jamais dessinée et encore moins interprétée, comment pouvait-elle "ressembler" à une vraie personne? On aurait dit qu'à force de penser à eux, Chiara avait fait de ses personnages des vraies entités vivantes ; elle ignorait, encore, jusqu'à quel point elle avait mis d'elle en eux. Comme elle s'enveloppait de la beauté de Marina, celle-ci attira enfin son visage vers elle et l'embrassa. Christian ne put s'empêcher de les regarder avec une fascination ahurie, puis détourna le regard pour ne pas les importuner. Caroline le surprit et secoua la tête en riant doucement, dansant toujours et encore.

Ils quittèrent le Pulp vers quatre heures du matin, épuisés. Comme elle l'espérait, Marina invita Chiara dans son studio, qui se situait non loin de là. Chiara confia les clés de l'appartement de Sèvres à Caroline sans plus de commentaire, son amie sachant très bien tout ce qu'elle pouvait et devait faire là-bas. Bon prince, Christian fit une bise à Chiara, salua Marina et partit avec Caroline. Dans la voiture, celle-ci le sonda: "T'es pas trop déçu?". Sans quitter la route des yeux, Christian avoua: "C'est vrai que c'est pas trop ce j'attendais... Même si je n'espérais rien de particulier, je précise: je voulais juste la connaître un peu mieux, mais je m'attendais pas à découvrir euh... ça.". Caroline le couva des yeux, le trouvant décidément adorable. Elle allait répondre quand son portable vibra. Elle l'ouvrit et découvrit un message de Chiara: "Pas touche!". Elle soupira. Puisqu'elle ne pouvait pas le draguer elle tenta de trouver des mots pour consoler Christian, mais rien ne venait. Chiara l'énervait de l'avoir laissée avec un garçon frustré dont elle ne pouvait rien faire. Finalement, elle feignit de dormir contre la vitre de la voiture.


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5 décembre 2006

Dream On (séquence 15)

Séquence 15: Obsession

Marion était repartie le lundi matin, avec la promesse que Chiara viendrait passer le réveillon du nouvel an chez elle. Totalement obsédée par son scénario, Chiara avait délibérément laissé de côté tout ce qui n'y touchait pas de près ou de loin: ses études, et "ses amours". Ses copains pouvaient bien la traiter de "frustrée", elle n'avait aucune intention de se mettre en chasse d'un petit copain pour faire taire leurs sarcasmes. Il l'embarrasserait plus qu'autre chose en ces importantes heures de création, quant au sexe... il y avait les filles du Pulp pour cela. Un jour, Marion s'était interrogée sur sa faculté à se passer de tendresse, de l'appui d'une épaule réconfortante et virile, et autres sornettes: Chiara avait plaisanté que Gale Harold était un petit ami parfait, satisfaisant sous tous les points. A dater de ce jour, bien sûr, tous ces amis furent définitivement persuadés que Chiara nourrissait un fantasme dévorant à l'égard de l'acteur. Chiara se rappela alors que les amis voulaient toujours croire ce qu'ils avaient envie de croire, et jamais ce qu'on leur disait.
Ainsi réfractaire à toute idée de mise en couple, Chiara ne guettait plus les mails ou les appels de son camarade Christian. De ce fait, leurs relations se limitaient à présent à des saluts, une bise rapide voire certains jours, rien du tout. Elle s'en fichait et apparemment, lui aussi.

Un jour où elle tapait distraitement le cours que le professeur annonait avec peine, elle vit littéralement son personnage Sofia se matérialiser à côté d'elle, elle aussi équipée d'un ordinateur portable. Sofia ne la regardait pas mais l'imitait, suivant elle aussi le cours avec l'air de profondément s'ennuyer. Du coup, Chiara écrit sur une nouvelle page Word: "Sofia assiste en cours sans éprouver à son égard une seule once d'intérêt. Ses pensées flottent ailleurs, on sait vers qui, mais elle est tout de même présente tous les jours ; dans l'espoir de voir sa curiosité s'éveiller peut-être, ou encore par habitude. Voix intérieure: "Ils semblent tous si passionnés par ces cours... Pourquoi je n'arrive pas à m'y intéresser? J'aimerais tellement le rappeler... mais j'ai peur de retomber sur sa femme. Et puis, il a peut-être regretté son appel juste après l'avoir passé. Je verrai ce qu'il en est mercredi.. Encore deux jours, je vais mourir avant! C'que ces cours sont chiants... Ils récitent tous leur prose avec tellement d'importance, comme si tout leur blabla faisait d'eux des gens intéressants... Qu'est-ce que je fous là? Pourquoi je me suis incrite là, parce que j'aime lire? Y'en a qui toute leur vie, savent ce qu'ils deviendront "plus tard", ils en ont de la chance.... Moi je ne sais même pas ce que je veux, maintenant. Je sers à rien... Je servirai jamais à rien."

Une fois ce passage écrit, Sofia disparut sous le regard ahuri de Chiara. C'est à peine si celle-ci s'aperçut que le cours était fini, et ne vit pas Christian s'approcher de sa table. Il regardait ce qu'elle écrivait par-dessus son épaule, et la fit sursauter en lisant: "Moi je ne sais même pas ce que je veux, maintenant. Je sers à rien, je servirai jamais à rien..." Ben c'est gai! Tu écris ton journal intime pendant les cours?". Elle se retourna, un sourire aux lèvres, et répondit:

"- Non non pas du tout, j'ai jamais pu tenir un journal intime. Rien à voir avec moi: c'est juste un... truc.

- Un truc... répéta le jeune homme en hochant la tête. Tu m'avais pas dit que t'écrivais, tu veux devenir écrivain en plus de magistrat? Admira-t-il.

- Oh, modéra-t-elle un peu gênée, je n'irais pas jusque là... C'est une sorte d'ébauche de scénario, avoua-t-elle avec un léger rictus embarrassé.

- Ah oui? ça parle de quoi? demanda Christian en se penchant plus en avant pour mieux voir l'écran. Mais Chiara abaissa son écran, mystérieuse, et expliqua:

- Désolée, je veux pas trop en parler pour l'instant... pas avant que ça soit terminé." Elle sourit en guise d'excuse.

Christian exprima sa compréhension, puis lui rappela que l'école de commerce voisine, l'Essec, donnait une fête le lendemain soir: "Je vais peut-être y aller, juste pour voir, ça a l'air marrant... Ca te tente?". Chiara fit la grimace et répondit, une note de dégoût dans sa voix: "Les soirées de l'Essec, c'est bien là où tous les puceaux du coin vont pour tirer leur coup après avoir drogué les filles, non?". Christian éclata de rire, et affirma que c'était surtout une légende urbaine. Chiara secoua néanmoins la tête, obstinée, et déclara que pour passer un bon moment, elle préférait aller au Pulp que voir des nanas se déshabiller devant une bande d'étudiants en rut.

"- Il y aura des mecs pour les stripteases aussi, remarqua Christian.

- Les pectoraux gonflés aux hormones, sans façon. Elle rit, imitée par Christian. En plus, ajouta-t-elle, je n'ai pas de voiture moi, ce n'est pas pratique pour moi de sortir le soir sur Cergy.

- Bon, j'aurais essayé..." Christian haussa les épaules avec un petite sourire au coin des lèvres, puis partit rejoindre des copains à l'autre bout de l'amphithéâtre.

Chiara le regarda partir ; il était vraiment mignon, songea-t-elle, avec une pointe non négligeable de charme, qui plus est. Les cheveux très noirs, assez grand et toujours vêtu d'une veste en cuir râpé, il était un des plus beaux garçons du niveau, mais ne semblait pas s'en apercevoir outre-mesure. Belles fesses en plus, nota-t-elle. Mais elle chassa ces pensées déroutantes de son esprit, et profita de la demi-heure de la pause déjeuner pour continuer ce qu'elle écrivait:

"Séquence 22: nouvelle fin de cours

David semble stressé pendant son cours. Il faut dire que Sofia garde les yeux obstinément fixés sur lui, et elle participe en plus: elle fait beaucoup de fautes, mais ses efforts ne peuvent que le faire sourire.

Quand le cours est terminé, elle va le voir, comme la première fois. Elle ne parle pas du coup de fil, et lui non plus, même s'il sait qu'elle sait. Elle réitère sa proposition de la semaine précédente (déjeuner ensemble). Elle le regarde droit dans les yeux, sait qu'il a peur d'accepter mais en a envie. David est sur le point de refuser, invoque un rendez-vous imaginaire avec une collègue... mais face au regard suppliant de la jeune femme, accepte.

Hors de la classe, Sofia fait mine de se rappeler qu'elle a acheté un livre d'anglais, et veut lui montrer. Mais pour cela, ajoute-t-elle, ils doivent aller chez ele. Il hoche juste la tête en signe d'assentiment. Dans l'ascenseur, un silence annonciateur. David baisse les yeux vers ses jambes: elle a mis une jupe courte. Il les relève, très vite.

Séquence 23: premiers symptômes

On est dans l'appartement de Sofia: la porte s'ouvre sur elle et David. Elle entre tout de suite et lui demande de fermer la porte ; il se retourne vers le couloir, dernière sortie de secours. Il le regarde quelques secondes, puis baisse les yeux et referme la porte. Tout est déjà joué. Sofia vit dans un studio ; le minuscule salon sert aussi de chambre. Le futon est replié. Elle apparaît, le fameux livre en main ; il est sobrement intitulé: "Learn English". David ne le connaît pas, mais le prend et s'asseoit sur le futon pour le feuilleter, après avoir posé son manteau sur le dossier comme elle l'y a invité, se retrouvant en bras de chemise. Sofia lui demande timidement s'il veut quelque chose à boire, en précisant qu'elle n'a que du jus de fruits ou de l'eau à lui proposer. Il opte pour le jus de fruit. De la cuisine, Sofia l'entend dire: "Il a l'air pas mal du tout ce livre, très pédagogique... bon choix, je crois." Elle sert le jus de fruit dans deux verres à Coca, en tremblant.  Elle s'installe près de lui, et s'excuse: "Désolée de ne pas avoir autre chose à vous proposer, de l'alcool par exemple...

- Oh, vous savez j'ai cours dans une heure, mieux ne vaut pas que j'arrive "pompète", comme vous dites...". Elle sourit, et profite de l'occasion pour raconter une anecdote:

- "Notre prof d'histoire du rock est arrivé soûl la semaine dernière, il avait bu trop de champagne à une réception donnée dans le hall pour les professeurs...

- Il avait bu au point d'être remarqué? s'étonne David avec un léger sourire.

- Ben, il est déjà assez fou habituellement, mais là il a passé l'heure à raconter n'importe quoi! badine-t-elle, le pire c'est quand le portable d'une fille s'est mis à sonner: il l'a prise à partie, lui a dit: "Vous avez un joli pull rose mademoiselle! c'est rose en-dessous aussi?". Comme David prend l'air mi-amusé mi-choqué, elle est encouragée et poursuit, riant de plus belle, le visage animé: "Tout le monde s'est mis à pousser des "ohhhh!", et il est devenu tout rouge, la fille aussi, et il a expliqué tant bien que mal que par "en-dessous", il pensait à son pantalon!". Ils rient de bon coeur.

Le temps que la gaieté s'estompe, leurs regards se rencontrent. Ses yeux à lui glissent légèrement vers la bretelle blanche de son soutien-gorge qui apparaît à l'encolure de son t-shirt. Deux secondes s'écoulent, peut-être deux et demi. Ils esquissent le même mouvement au même moment, mais il est le plus rapide: en un geste trop longtemps retenu, il attire le visage de Sofia vers le sien. Ses lèvres se posent d'abord sur son front puis sur sa bouche, le tout en une fraction de seconde. Leurs bouches s'entrouvrent: c'est un baiser passionné, presque brutal. Elle s'accroche à lui, lui tirant presque les cheveux. Leurs bouches se séparent, ils se fixent comme deux fauves à l'affût du moindre geste d'attaque, serrés l'un contre l'autre. Puis il la fait tomber brusquement sur le futon, l'embrasse à nouveau tandis que ses mains cherchent fébrilement sous le t-shirt ; ses seins sont petits et fermes, il les caresse. Puis sa main gauche descend, soulève un peu la jupe, effleure le bas et le haut de sa cuisse nue. Quand il touche le slip de coton blanc, elle laisse tomber sa tête en arrière et pousse un léger soupir.

Ce soupir semble  ramener David à la raison: il s'arrête, et scrute son visage. Sofia l'observe à son tour, étonnée. Là il se relève d'un bond et saute sur ses pieds, tremblant comme une feuille, sans cesser de murmurer comme une incantation (ou un exorcisme?): "Je suis désolé... vraiment désolé....". Elle se lève à son tour, un peu rouge, remet sa jupe et tente de le calmer en lui touchant le bras: "Ce n'est pas grave, c'est moi... c'est à moi de m'excuser". Mais le pauvre homme ne semble même plus se souvenir d'où il est, ce n'est même pas évident qu'il lui parle à elle: "No it's me, it should not have happened...ça n'aurait pas dû arriver, j'suis vraiment désolé...". Puis il enfile sa veste, lui jette un regard navré mais terrifié, marmonne une dernière fois: "Je suis désolé...", et s'enfuit en claquant la porte. Sofia se rassied et fixe d'abord la porte qui vient de se fermer d'un air abattu, un peu abruti. Puis elle s'allonge à moitié sur le futon, et s'entoure de ses bras comme pour revivre le moment.

(Ils sont de plus en plus bêtes, tout va bien)

B.O: FYT de This Mortal Coil"


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1 décembre 2006

Dream On (séquence 13)

Séquence 13: Sleep to dream

La nuit qui suivit, Chiara fit à nouveau troublant: elle se trouvait cette fois dans sa chambre, en compagnie de ses personnages David et Sofia. Ceux-ci étaient tout aussi incomplets que dans son dernier rêve, et semblaient terriblement malheureux. Comme elle leur demandait d'un ton badin ce qui se passait, David s'offensa en anglais:
"- Isn't that obvious? Look at me, I look like a scarecrow! Il montra les lettres éparses qui composaient son corps

- A beautiful scarecrow still, se défendit Chiara avec conviction. Don't worry, I will fix... this. (1)

- Qu'est-ce que vous dites? Je ne comprends rien, moi! Protesta Chiara

- Il râle parce qu'il est incomplet, lui expliqua Chiara.

- Qu'est-ce je devrais dire! J'ai même pas de visage: Sailor Moon est plus expressive que moi! Et il est pas censé parler français ce con?

- Yes David, you're supposed to speak French.

- Fuck French! Gronda David. This story is stupid anyways, we have everything in the States. Who the hell would come from there to fucking France?(2)

-"Fuck, fuck, fuck"! c'est de ça que je suis censée tomber amoureuse?

- David don't talk like this, I haven't created you this way!

- Really? And how have you created me, tell me 'cause I'm curious to know, I've still no idea.

- What do you mean?

- Qu'est-ce qu'il a dit, le freak? S'enquit Sofia, agacée (3)

- You call ME a freak? Il s'adressa à Chiara: how come I'm supposed to be attracted with that? She has the brain of a twelve old kid, and she's a skeleton! (4)

- Il me traite de squelette maintenant? Charmant! Avant que Chiara ne puisse réagir, David reprit:

- Why do you think I'm that way? Il montra à nouveau l'état pitoyable de son "corps" ; you say you've created me but you've just created a shell, I'm empty on the inside. Remember why you hate most of telefilms and TV broadcasts: because the characters are boring, stereotypes! Do you want us to be other plain figures with no deepness? (5)

- Toi aussi, tu as l'impression de ne pas avoir de personnalité? Demanda Chiara à Sofia, un peu ébranlée. Celle-ci avoua:

- Ben, pour l'instant on sait juste que j'en pince pour mon prof, c'est un peu léger... Je me contenterais à la limite de n'avoir que des yeux, s'ils étaient remplis de... quelque chose... d'humanité. Là, j'ai juste l'impression d'être un mot sur du papier... "

Chiara se réveilla au moment où elle allait leur répondre ; malheureusement, elle ne se rappelait pas ce qu'elle avait l'intention de dire. Elle savait juste une chose: quelle que soit l'heure, elle devait aller écrire la suite. Gale Harold ne l'attendrait pas!

Séquence 14: Back on track

"Séquence 17: Vibreur

Avant de le quitter, Sofia donne son numéro de téléphone portable à David. Comme il a l'air surpris, elle explique aussitôt que c'est courant entre professeurs et élèves, notamment pour éviter de pâtir des déficiences du secrétariat. Il  accepte l'explication en souriant, mais ne lui donne pas le sien en retour. Elle passe donc le reste de la semaine à attendre un coup de fil, même anodin, en vain.

Autour d'un café, elle se confie à une amie de l'université, Julia:

- Pourquoi j'ai toujours tout faux sur les hommes...?

- Parce que c'est pas facile de viser juste... Ils sont pas facile à comprendre, ces bestiaux, sourit son amie.

- Mais toi tu sors avec Julien depuis trois ans déjà, presque quatre! Et je ne connais que des filles qui ont un couple stable et heureux... le plus longtemps que je sois restée c'est six mois, et c'était avec Max... tout ça pour me faire jeter comme une conne sur un quai de gare. Et au lieu de faire mon deuil, de réfléchir à pourquoi ça n'a pas marché, à me préserver, je retombe pour un autre, et me revoilà en train d'attendre que ce foutu téléphone vibre, mais il bouge pas et ça me rend dingue!"

Pour illustrer son geste elle attrape son téléphone pour vérifier qu'elle n'a raté aucun appel ni aucun message: bien sûr, il n'y a rien d'indiqué de tel. Elle lui jette un regard haineux et reporte son attention sur Julia, désemparée. Celle-ci essaie de la rassurer en débitant des banalités:

- "Tu n'as pas trouvé la bonne personne c'est tout... Toi en plus, tu as besoin de quelqu'un de spécial, tu ne peux pas être bien avec le premier venu, tu es bien trop...

- Chiante, pire: compliquée, insupportable...

- Complexe", corrige Julia.

Sofia hausse les épaules. Elle tourne distraitement la touillette dans son café, même si elle ne l'a pas sucré. "Le pire", avoue-t-elle, "c'est que j'ai cru plaire à ce gars et me suis complètement foutue dedans... ça, c'est un truc inédit, jusqu'à présent je m'étais jamais trompée ;  un certain regard, un certain sourire suffit  pour me faire comprendre que je peux foncer, du moins je croyais que ça suffisait... Je me sens bête, t'imagines pas.

- Mais c'est qui, je le connais?

- Je peux pas te le dire, excuse-moi... Sofia semble sincèrement confuse de devoir cacher des choses à son amie ; tu dois le connaître au moins de nom, et vu ma méprise je serais honteuse de t'en dire plus.

- Je comprends... Une question toutefois: il est marié?

- ... " (Sofia esquisse un rictus qui semble vouloir dire "oui")

Julia hoche la tête d'un air pensif, et finit son café. Sofia reprend, contrite:

- "Je sais, je me répète...

- Je n'ai pas à te juger Sofia, mais pourquoi cette fascination pour les mecs mariés?!

- Je ne sais pas! jure son amie. Je n'arrête pas de me poser la question: est-ce parce que j'ai le goût de la conquête même si je sais que je vais perdre, parce que je suis une kamikaze, parce que j'ai peur d'avoir une vraie relation...? Peut-être même que je suis simplement perverse?! C'est vrai, quand un homme m'attire et que j'apprends qu'il est marié, j'ai encore plus envie de l'avoir... Et je l'ai à tous les coups, c'est le pire... Je les attire comme la peste, à croire que les hommes mariés ont un radar pour que dès que je m'approche à moins de trente kilomètres d'eux, ils me sentent venir et dégainent en premier!

- Oui, on attire souvent ce que l'on désire, curieusement, ironise Julia.

- Sauf cette fois... rappelle Sofia, ignorant la pointe d'ironie dans la voix de son amie. On est restés presqu'une heure ensemble, je sentais nos esprits fusionner, un désir d'abord sous-jacent s'exprimer sans que les mots sortent de nos bouches, puis au moment de lui donner mon numéro... il l'a pris mais n'a pas paru comprendre pourquoi je lui donnais, soudain il est devenu froid, un étranger... ce qu'il avait sûrement été pendant tout le repas en fait, c'était sûrement un ressenti de film qui passait dans ma tête, je ne sais pas...

- Je crois que tu devrais te reposer, Sofia, ta rupture avec Max t'a beaucoup secouée... Julia est inquiète.

- Tu as sans doute raison. Ce qui est bien avec ce qui m'arrive, c'est que ça m'occupe le cerveau. Quand je croise Max dans le couloir, je m'en ficherais presque!

- Et j'espère que tu t'en ficheras très vite, te lourder aussi brutalement après tout ce que tu as fait pour lui.. Julien me ferait un truc pareil, je le tuerais.

- Heureusement il ne te fera jamais ça, assure Sofia avec ferveur.

- On ne sait jamais ce qui arrivera... fit remarquer Julia avec sagesse. Je dois y aller, j'ai cours dans un quart d'heure", ajoute-t-elle. Elle se lève, dépose une bise rapide sur la joue de Sofia et quitte le champ.

Après le départ de Julia, Sofia reste un peu et joue avec son téléphone, comme si cela allait le faire sonner.

Bande-son: Vibrate de Rufus Wainwright

 

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Séquence 18: chez Sofia

Petit appartement décoré selon ses goûts: beaucoup de mauve et de rose pâle.  Sofia cuisine, ce qui selon sa définition de consiste en une boîte de raviolis réchauffés dans une casserole. Elle mange un peu, fait mine de travailler ses devoirs mais toute son attention reste focalisée sur son téléphone. Il ne sonne pas. Finalement, elle le laisse sur sa table de nuit et va prendre une douche.

Séquence 19: chez David

David est à côté du lit de sa fille: il lui dit bonne nuit en anglais, l'embrasse et la borde - son âge a été remonté à six ans, plus logique pour un homme de son âge -  et sort de la chambre. Sa femme regarde un feuilleton qui passe sur une chaîne américaine. Il se rend dans la chambre à coucher, pousse la porte pour la laisser juste entrebaillée, et sort son téléphone portable de sa poche. Il fait défiler les noms, jusqu'à celui de Sofia Marquez. Il se mord la lèvre, réfléchit, s'apprête à appeler mais s'arrête. Puis il lève les yeux au ciel, et l'appelle pour de bon. Malheureusement, scène classique: on passe rapidement chez Sofia, pour voir que son téléphone vibre mais que personne ne répond ; on entend le bruit de la douche en arrière-plan. Retour dans la chambre de David: il tombe sur le répondeur, mais n'ose bien sûr pas laisser de message. Il raccroche, reste un moment assis les yeux dans le vide, puis se laisse tomber dans le lit.

Séquence 20: chez Sofia (bis)

Sofia sort de la douche entourée d'une serviette mauve, ses cheveux sont mouillés. Elle regarde son téléphone, et voit l'appel manqué. "Merde..." Elle marche de long en large dans sa chambre, espérant qu'un message laissé sera signalé, mais rien ne vient. Le numéro de téléphone est apparent, mais elle hésite à rappeler car elle n'est pas sûre de l'identité de son correspondant. Dans le doute, elle rend l'appel en numéro caché.

Chez David: le téléphone de David sonne alors que Kim est dans la chambre ; comme il est dans la cuisine en train de grignoter, elle prend l'appel. Retour dans la chambre de Sofia: elle est stupéfaite de tomber sur une femme, et balbutie: "Excusez-moi, je me suis trompée de numéro...". A l'autre bout du fil, elle entend: "Excuse-me? I don't understand?". Sofia raccroche sans répondre, sous le choc. Puis elle sourit: c'est Lui qui l'a appelée, elle en est sûre maintenant. Il est américain, elle est donc tombée sur sa femme! Comme lui n'a pas réussi à l'avoir, il a pris peur et a raccroché sans laisser de message. Elle dit tout haut: "Si ça avait pour la fac, il m'aurait juste envoyé un texto ou m'aurait laissé quelque chose, en tout cas..." Heureuse, elle enfile un pyjama et se blottit dans les couvertures.

Vibrate de Rufus Wainwright doit se terminer à ce moment-là.

Séquence 21: Musn't make her call

David, prétextant une faim passagère, va se faire un casse-croûte, mais c'est juste un prétexte pour penser en toute tranquillité à ce qui le préoccupe. On entend sa voix intérieure: "So, here we are again... We're back to the starting point, you never learn your lessons for God's sake?! Remember what's happened the first time, what would have happened if you weren't a so, lucky, bastard. You may have not the same luck this time, so you'd better watch yourself. You don't want to make your family to blow up because of a nice face, do you? It was wrong then, it would be wrong this time, and you KNOW it. Stop it David, right now!".

Sa femme entre à ce moment-là, et lui signale qu'une fille a appelé sur son portable mais a dû se tromper de numéro, car elle lui a raccroché au nez. Son couteau tombe. Il le ramasse ; sa femme lui demande distraitement: "Any idea of who it could be?

- At this time? no idea, certainly a mistake...". Il ment, à nouveau, avec un détachement parfait.

B.O: Jupiter d'An Pierlé"

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(1) "Ce n'est pas évident? Regarde-moi, j'ai l'air d'un épouvantail!

- Un bel épouvantail, tout de même... Ne t'inquiète, je vais... arranger ça."

(2) "J'emmerde le français! Cette histoire est idiote de toutes façons, on a tout aux Etats-Unis. Bordel, quel américain viendrait en France pour y vivre?!"

(3) "David, ne parle pas comme ça, ce n'est pas ainsi que je t'ai créé

- Vraiment? Et comment m'as-tu créé dis-moi, je serais curieux de le savoir?

- Que veux-tu dire?

- Qu'est-ce qu'il dit, le cinglé?"

(4) "MOI, un cinglé?! Et je suis supposée etre attiré par ça? Elle a le cerveau d'une gamine de 12 ans, et c'est un squelette!

(5) "A ton avis, pourquoi j'ai ce look? Tu dis que tu m'as créé mais tu as juste créé une coquille, je suis vide à l'intérieur. Rappelle-toi pourquoi tu détestes la plupart des téléfilms et autres séries: parce que les personnages sont inintéressants, stéréotypés! Tu veux qu'on soit nous aussi des personnages plats, sans profondeur?"


(6) "Alors, nous y voilà... Retour au point de départ, tu n'apprends jamais tes leçons, bon Dieu?! Souviens-toi de ce qui s'est passé la première fois, de ce qui se serait passé si tu n'avais pas été un tel veinard. Tu n'auras peut-être pas la même chance cette fois, tu ferais donc mieux de te surveiller. Tu ne veux pas voir ta famille s'envoler en fumée à cause d'un joli visage, pas vrai? C'était mal à l'époque, ce sera mal cette fois encore, et tu le sais. Arrête ça, David, tout de suite!"

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